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  • : le blog aquapomu
  • : Mon but est de donner à lire des poèmes personnels, ou d'autres auteurs parfois ; des nouvelles, des notes sur le vocabulaire, la poésie, etc. Il s'agit d'un blog littéraire, en réalité.
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20 octobre 2007 6 20 /10 /octobre /2007 15:58

Nouvelle brève – La claque – Comme à l’accoutumée, Gilles rentra, prit le journal posé en bout de table et s’assit sans même saluer son épouse, occupée à épousseter quelque meuble déjà propre. Il déplia le quotidien et tourna délicatement la première page, comme s’il s’agissait d’un incunable. Lisant quelques titres et passages par-ci par-là, il arriva bientôt aux sports. Là, il se concentra, son visage prit une autre expression, comme si une auréole de saint l’éclairait. Eh ! pardi, le sport, il n’y a rien de plus important que cela, dans la vie. Ça vous forge le caractère, le sport. Ça vous stimule, vous anime, vous remue le sang, le sport ! Et justement, le pays avait gagné son match, la veille, alors Gilles s’attendait à ce qu’un article dithyrambique vînt lui remplir l’âme d’une jouissance extrême. En effet : les mots « exploit », « sensationnel », « héros », d’autres encore, émaillaient le début de l’article. Notre sportif de salon, harassé par ses huit heures d’usine, retrouvait tout d’un coup de l’énergie, rien qu’à lire les aventures sportives de « son » équipe. Tout juste s’il ne pensait pas qu’il avait lui-même marqué les buts. D’ailleurs, c’est lui, il en était convaincu, qui avait forcé le destin en pensant si fort à la victoire, que les joueurs avaient été irradiés par sa pensée et avaient ainsi été en mesure de concrétiser leur domination. Soudain Ariane, qui tournait comme une toupie dans la cuisine, avec ses chiffons et ses plats, sans dire un mot – car on ne parlait pas quand le chef lisait un commentaire sportif – Ariane, dis-je, renversa sur la table la saucière qu’elle préparait et le liquide visqueux, insidieux en diable, vint occuper tout le terrain de l’article, et même la touche, ce qui fait que Gilles ne put terminer sa lecture. En quelque sorte, l’arbitre Ariane siffla la fin de la rencontre. Alors, rouge jusqu’aux blancs des yeux, le regard en fer de lance, les mains tremblantes, il se leva d’un bond, fit deux pas de côté et balança à son épouse une claque que l’on dit magistrale ; elle vacilla sous la violence de l’apport énergétique. « Voilà, ça fera quatre-zéro, imbécile ! » furent les seuls mots que le mari prononça au cours de la soirée.

                XI
Nous n’avons pas le temps
d’habiter le soleil, la lune,
les planètes, les galaxies.
Il y a tant à faire ici
que nous refusons ces exils,
et nos moyens sont limités.
 
                **
Ce temple a fière allure,
nous y entrons pour luire
sous notre repentir.
Pourvu que sous nos pieds
les dalles ne se dérobent pas !
 
                **
Nous savons qu’il porte sa croix,
qu’il a froid quand l’homme est défait,
que malgré tout d’excellents germes
croissent pour assurer la suite.

           [ Un petit tour de l’Homme – 08.2002 ]

Je vous souhaite une bonne fin de semaine, amis lecteurs. Étienne.

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15 octobre 2007 1 15 /10 /octobre /2007 14:48
               X
Sauvez donc cet objet,
il est peut-être indispensable.
Que sauver d’autre ici
de ce que vous aimez ?
Parfois l’utile
ne pèse pas grand chose
sur notre sphère déformée,
et ce qu’on aime est inutile.
 
              **
Il veut croire encore à la vie
et à la magie des cascades ;
il comprend bien que les repères
cassés, détruits, perdus
passent des moments difficiles.
Il tente à nouveau de planter
des jalons importants
pour ruiner les oublis.
          [ Un petit tour de l’Homme – 08.2002 ]


VOIR – Le poète Fernando Pessoa écrivait, le 21 février 1930 : « Je suis effaré de tout ce que j’ai réussi à ne pas voir. » La vue est mise à rude épreuve, et pourtant, c’est vrai, nous passons et nous ne voyons presque rien ; nous courons en tout sens en regardant rapidement ce que la vie offre à la vue, cet inépuisable transmetteur d’images. Justement, il en existe trop et la précipitation engendrée par notre existence trépidante fait en sorte que nombre d’images ne sont pas transmises à l’enregistreur encéphalique. Du coup, nous oublions de voir, nous ne réussissons pas à voir. Il y a fort longtemps, j’ai observé pendant des jours des paysages inoubliables, et même l’écriture avait fait son œuvre pour en restituer les courbes, les parfums et les sons. Et bien les silences ont remplacé les sons, l’air ordinaire les parfums et les pointillés les courbes. Ne demeurent que de brumeuses sensations, que quelques couleurs à demi effacées par l’horloge, comme des aquarelles exposées trop longtemps au soleil. « Voir » ressemble à un véritable métier ; la façon d’éduquer sa vue devrait être enseignée dans tous les manuels scolaires. Bref ! « j’ai réussi à ne pas voir » grand chose dans ma vie, et pourtant une multitude d’images traverse mon esprit, ce qui me permet de reconstruire des paysages nouveaux sans me déplacer.   

Voir est l’aboutissement d’une évolution phonétique attestée par les formes veder (v. 980), puis vedeir (1080), veeir (v. 1155) et veoir (v. 1200). La forme contractée voir est attestée en 1636, mais on trouve veoir jusqu’en 1671. Le verbe est issu du latin videre signifiant « percevoir quelqu’un, quelque chose par la vue », « donner sur », « être témoin de, disposer de » et « remarquer, constater ». Le latin avait aussi plusieurs acceptions figurées : « imaginer », « avoir de la clairvoyance », « juger, examiner, déterminer », « prendre des mesures pour, pourvoir à ». 

Voilà ce que je vous propose en ce début de semaine, amis lecteurs. Amitiés. Étienne.

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11 octobre 2007 4 11 /10 /octobre /2007 14:26

Carnet – Insomnie - On vit replié sur soi-même, dans un monde étriqué que l’on regarde sans en comprendre les mécanismes. On nous parle de classification périodique des éléments, de mécanique quantique, de tectonique des plaques ou de Cac 40. Qu’en a-t-on à faire, sincèrement ! Il est bon de connaître ces mystères, ces finances, surtout quand on est spécialiste ou que l’on a une passion pour l’une ou pour l’autre discipline. Mais pour le reste, c’est du rêve à l’état pur. Cependant, on a toujours une petite question qui végète dans le creux d’une méninge, et qui sort parfois en plein apéritif crépusculaire. D’où vient la lumière ? Il y a le feu dans l’univers ! Oui, tout brûle partout, dans les millions de galaxies qui contiennent chacune des dizaines de milliards d’étoiles. L’incendie fait rage partout, et pourtant, quand on essaie de lire dans son jardin, un soir de douceur angevine, on n’y parvient pas, faute d’une lumière suffisante. Incroyable, non ? La lumière jaillit de tous les points du Cosmos et l’on n’y voit goutte. C’est bizarre, tout de même ! Il me vient alors à l’esprit qu’un défaut doit être à l’origine de cette obscurité ; à moins que ce soit la vastitude de l’univers qui fasse en sorte que les photons ne soient pas en nombre suffisant pour éclairer le poème de la Création. En tout cas, cette nuit-là, j’ai longtemps pensé à la lumière, tellement de temps, qu’elle est arrivée comme par enchantement. J’ai cru un instant que c’est la puissance de ma pensée ou de ma suggestion, qui avait allumé la voûte céleste. Hélas ! non, c’était l’aurore qui me pointait du bout de sa lampe et qui me priait de sortir du lit.

             IX
Voilà que des échecs
importés par les vents
effacent la mémoire
qui officie cosmiquement
dans un vieil empire invisible.
 
Quelqu’un nous souffle les réponses
que nous attendions humblement
de ce lieu hautement suspect.
Mais nous ne saurons rien de plus
sur l’énergie solaire,
sur le Plomb du Cantal,
sur le canal carpien
ou sur la Tour de Nesle…
Nous méconnaissons trop
ce que nous connaissons.
 
En revanche nous apprenons
ce dont l’Homme est capable.

        [ Un petit tour de l’Homme – 08.2002 ]

La lumière et l'ombre me fascinent, l'univers également. Cela se sent-il ? Bonne lecture, amis. Étienne.

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8 octobre 2007 1 08 /10 /octobre /2007 15:51

Carnet – L’Homme est un rien acceptable, sur la planète dont il n’est que locataire ; c’est sa folie qui est inacceptable. De nos maisons basses et surchauffées, on ne mesure pas bien la largeur des plaies qu’on inflige à la carapace terrestre et à son breuvage pélagique. Les cicatrices mettront des siècles à se refermer. Il est difficile de prendre conscience de la situation. Regardant hier soir une émission sur le « réchauffement climatique », je me suis rendu compte que les six locuteurs n’étaient pas d’accord ni sur les termes ni sur les chiffres, pour prédire la catastrophe. On nous rebat les oreilles avec des indices « carbone », des degrés, des sommes astronomiques, des niveaux, des couches d’ozone, des métaux lourds, des gaz à effet de serre, des fréquences de tempêtes, de cyclones ou d’ouragans, des OGM, etc. Mais personne n’est en mesure de se mettre d’accord avec son voisin sur un seul élément, sur un seul argument. En poésie, tous les poètes et beaucoup de profanes savent qu’un alexandrin fait douze syllabes. C’est net, précis, sans contestation. En écologie, sauf rares exceptions, dix spécialistes donnent dix chiffres différents. On ne peut donc pas se déterminer en fonction de ces multiples données. Comment peut-on travailler quand on n’est d’accord sur rien ? Les gens ne sont pas dupes et ils savent bien que les rues de la planètes ont besoin d’être balayées, déblayées et il est donc nécessaire de les éduquer, dès le plus jeune âge, afin qu’ils laissent leur chambre propre et éteignent la lumière avant de partir. Il semble inutile de les nourrir jusqu’à l’indigestion de chiffres ou de phrases choc. Allez ! ne jetez pas votre huile de vidange dans le jardin du voisin avant de déménager. 

               VIII
Souvent, une joie débridée
à peine acquise
se dissout dans la peine.
Alors, gouverne ta gaieté
pour t’épargner les larmes.
                
                **
La Terre s’enfuit sous tes pieds
ou c’est toi qui avances ;
nous ne le savons pas vraiment,
pourtant nous te regardons vivre
et peut-être marcher.
 
                **
Après les travaux et les craintes,
quand tu ne seras plus
qu’un œdème vidé, séché,
tu retrouveras le grand large
par ton âme intenable.
La lumière dite fossile
te guidera de ses photons.

         [ Un petit tour de l’Homme – août 2002 ]

Encore une semaine qui commence avec un ensoleillement agréable. Bonne lecture et bonne semaine, amis. Étienne.

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5 octobre 2007 5 05 /10 /octobre /2007 16:20

NOTES – Pourquoi choisissons-nous ce mot plutôt que tel autre ? Quel mécanisme encéphalique produit ce texte ou ce poème plutôt que cet autre ? La semaine passée, au cours d’une émission de télévision, un locuteur disait que l’organisme humain n’est pas fait pour lire ni pour écrire, et que ces fonctions ne sont apparues qu’assez récemment dans le cours de l’évolution des espèces. Alors, qu’est-ce qui nous pousse à lire et à écrire avec autant de constance et d’énergie ? Nous nous le demandons ! Naturellement, je me pose aussi la question. Depuis le début de mon « sacerdoce », je me suis mis dans la tête que l’écriture me servirait à élever mon âme, car il me semblait logique que cette activité servît à cela : faire que l’esprit et l’âme, par la pratique d’un art, prissent de la hauteur par rapport à ceux des profanes. D’autres veulent laisser leur trace, et ils écrivent comme ils feraient un plan d’épargne pour leurs descendants, en oubliant de laisser un fond de textes digne d’intérêt. Quoi qu’il en soit, à mon niveau, je me demande bien si mes écrits minables, rédigés dans une chambre-bureau minable ont un quelconque espoir de servir, ne serait-ce que par une phrase ordinaire, à un lecteur qui se prendrait à philosopher à leur lecture. En m’offrant ce modeste don d’écriture, la Providence espérait sans doute que son utilisation serait plus révélatrice d’une bonne santé intellectuelle du récipiendaire.


               VII
Rejoins le clan de la clarté
afin de gommer la violence
dont l’obscurité t’enduit l’âme.
 
               **
Exerçant une amitié neuve,
nous nous disions :
là commence la vie,
dans l’entourage du soleil.
 
               **
Fais ton apprentissage,
dîmes-nous au jeune garçon
qui, dans l’interrogation,
cherchait une voie juste.
Nous ajoutâmes que,
sa leçon apprise, il perdrait
tout espoir de trouver la paix.
Pour son enseignement,
nous lui suggérâmes encore
qu’il serait bon qu’il découvrît
lui-même son chemin.

          [ Un petit tour de l’Homme – août 2002 ]

 

Voilà ma modeste contribution à la littérature. Bonne fin de semaine, amis lecteurs. Étienne. 

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2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 11:07
Voici tout d'abord mon poème pour ce jour :

                 VI
Tous les hommes inventent
plein de meurtres abominables.
Ensuite, dans leur tête,
ils ne savent plus comment
se débarrasser des cadavres.
 
                 **
Les ormes meurent
avec l’assentiment des fous.
Quand un arbre devient squelette
en pleine force de sa sève,
plus rien n’est comme avant.
 
                 **
Les oiseaux de passage
que l’on dit migrateurs,
ne sèment rien dans leur sillon,
sinon l’hiver, l’été.
Et pourtant chaque année
ils repassent au même endroit
pour vérifier si l’herbe y croît
et si d’aucuns s’allègent
dans leurs amours champêtres.

        [ Un petit tour de l’Homme – 07.2002 ]


Et voici maintenant une pensée pour Pessoa -

Fernando PESSOA
Le poète vit comme tout le monde ; il est impossible de reconnaître au premier abord le poète que l’on croise dans la rue : il ressemble tellement aux hommes ordinaires ! En revanche, son esprit est habité, semble-t-il, par d’autres considérations humaines, par un certain nombre d’autres « valeurs », plus ou moins ésotériques, que le commun des mortels, bien qu’il figure lui aussi parmi ce lot commun. Bien qu’il ait très peu publié au cours de sa vie d’écrivain, Pessoa, outre qu’il tint en haute estime poésie et littérature, se posait beaucoup de questions sur le vide, le néant qui transparaissait en chaque chose et en chaque être. C’était un « intranquille » chronique qui ne se faisait aucune illusion sur les capacités de l’art à résoudre ses problèmes existentialistes. Tout lui semblait non-événement, absurdité. Voici un bref passage de : « Le livre de l’intranquillité », qui illustre bien son état d’esprit.
 
Fernando PESSOA –
« Il me faut choisir entre deux attitudes détestées – ou bien le rêve, que mon intelligence exècre, ou bien l’action, que ma sensibilité a en horreur ; ou l’action, pour laquelle je ne me sens pas né, ou le rêve, pour lequel personne n’est jamais né.
Il en résulte, comme je déteste l’un et l’autre, que je n’en choisis aucun, mais comme, dans certaines circonstances, il me faut bien ou rêver, ou agir, je mélange une chose avec l’autre. » (Le livre de l’intranquillité – 2)
 
Et ce passage, qui me fait penser à mon ancien métier, ainsi qu’à ma chambre-bureau, n’est-il pas troublant ?
 

« … et de la hauteur majestueuse de tous mes rêves – me voici aide-comptable en la ville de Lisbonne. […] Et assis à ma table, dans cette chambre absurde et minable – moi, petit employé anonyme, j’écris des mots qui sont comme le salut de mon âme, et je me dore d’un couchant impossible sur de hautes et lointaines montagnes de ma statue […] » (Le livre de l’intranquillité – 4)

Bonne lecture, amis. Étienne.

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28 septembre 2007 5 28 /09 /septembre /2007 10:52
ENVIE – On ignore à quoi l’on s’expose, quand on a envie de quelque chose, car si l’on tient compte de l’origine du mot, on s’aperçoit qu’il est lié au mal, à un acte répréhensible, donc de « pas bien du tout ». Quand on plonge dans les bas-fonds de ses origines, on constate avec effarement que l’un de ses sens se résume à l’hostilité et à la haine. Pourtant, je me tue à répéter que j’ai souvent envie d’écrire un poème, de lire de la poésie ou de peindre. Ai-je l’air pour cela d’un terroriste ? Je ne me vois pas monter à l’assaut des mots avec le sabre de la haine dans la pensée ! Heureusement qu’au cours des siècles le sens glissa vers une acception plus douce, celle du désir. Alors là, le désir ! On ne désire pas son poème, tout de même, ni ceux des confrères en poésie ; ce serait indécent. Le désir a une résonance charnelle, sensuelle. Il allume dans l’esprit les phares incontrôlables de la volonté de possession. C’est sans doute en ce domaine qu’il est le plus dangereux et sans doute le plus vulgaire et le plus arrogant. Si l’on veut rester digne et irréprochable, mieux vaut avoir envie d’écrire un poème que de l’épouse d’un voisin. J’ai envie de vous dire que la vie a ses charmes et ses inconvénients, c’est une lapalissade !   
Envie est une adaptation de enveie (v. 980), enveia (Xe s.), puis envie (1155), du latin invidia « malveillance ; jalousie ; envie », de invidus « envieux ». Cet adjectif est dérivé de invidere « regarder d’un œil malveillant », d’où « vouloir du mal » et « envier ».  


                  V
Tout est si haut, si vaste
qu’il faut utilement
se replacer à son niveau
encore et toujours, jusqu’au soir,
quand le temps noir se vêt du rêve.
 
                  **
À un moment donné,
le lit bat des draps blancs
sous les coups d’un heureux veilleur
qui bat des mains lui-même ;
il est enchaîné là
dans son improductivité.
 
                  **
Il a plu beaucoup ce matin ;
quelques fourmis trop faibles
n’y ont pas résisté.
Est-ce à cause du poids des eaux,
des ans ou de la maladie ?
La vie a son malheur à elle,
son fardeau qu’elle donne aux hommes,
qu’elle partage avec qui elle peut.
           [ Un petit tour de l’Homme – juillet 2002 ]

Il pleut comme en automne, il fait froid comme en hiver. Bonne journée, amis lecteurs. Étienne. 
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25 septembre 2007 2 25 /09 /septembre /2007 15:04
La mer. La mer.
La mer. Rien que la mer !

Pourquoi m'avoir emmené, père,
à la ville?
Pourquoi m'avoir arraché, père,
à la mer ?
La houle, dans mes songes
me tire par le cœur
comme pour l'entraîner.
O père, pourquoi donc m'avoir
emmené ?
   Voici un poème de Rafael ALBERTI, poète espagnol. La première fois que je l'ai lu, il m’a séduit. Ses vagues sont entrées en moi. La nostalgie s’y enracine, la mer et le départ reviennent comme un leitmotiv. Alberti, né au bord de la mer, s’est retrouvé « exilé » à Madrid quand ses parents s’y installèrent, et il eut toujours le regret de cet exil. C'est pourtant un texte d'une grande sobriété ; rien n'y est inutile. 
    En publiant aujourd'hui ce poème, je réponds au voeu d'une amie qui m'a demandé de proposer « quelques-uns de mes enthousiasmes ». 
     Bonne lecture, amis. Étienne.
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24 septembre 2007 1 24 /09 /septembre /2007 14:08
Nouvelle brève – Coiqu’art 2 – Le poème de France évoquait l’amour, celui espéré mais vague, dont on parle mais qui ne s’accomplit jamais. Quoi qu’on en dise, l’amour recèle toujours la gaieté. D’aucuns diront ironiquement que les ruptures sont plutôt tristes, horribles. Bien sûr, qu’elles le sont, mais une rupture, ce n’est plus aimer, c’est parfois même détester. La réponse que Vincent fit à Siel convint parfaitement à celle-ci, à tel point que quelques jours plus tard, elle lui écrivit à nouveau, enthousiasmée. Puis, après quelques semaines, l’encre de leur écriture, qui n’avait plus le temps de sécher, finit par huiler les chauds rouages de la correspondance, laquelle prit assurance, emballement, tutoiement, quotidienneté, clameur amoureuse… Petit à petit, les héros du clavier se remplirent l’esprit du salaire de l’amour et ils en vinrent à espérer des circonstances favorables pour qu’une rencontre eût lieu. Quand deux esprits complices ont un langage commun de lieu, de temps et de fait – la règle des trois unités au théâtre – il est bien rare que les dieux n’exaucent pas les vœux des orants. Ainsi donc intriquant complicité, circonstances, emploi du temps et espérance, s’enquirent-ils de la distance qui les séparait, la réduisant à son plus simple kilométrage de carte géographique. Après des mois d’apprivoisement et de conférences filaires, ils se touchèrent de l’œil, de l’âme, du cœur, du doigt, de la séduction, des lèvres et firent valser les heures de leur horloge astro-nommée amoureuse. Un printemps hors saison naissait sous le regard ébahi de la virgule lunaire. La suite de l’aventure appartenait à Siel et Vincent. « Coiqu’art » avait réussi sa mission : rapprocher et partager. Elle pouvait désormais se fixer d’autres buts de même nature. (Fin)

               IV
Des notions fausses mais habiles
ourlent leur arrogant chemin
selon les couleurs et les formes
qu’elles rencontrent.
C’est ainsi qu’on agite
le bocal des rumeurs.
 
              **
On se défie soi-même
en assurant sans barguigner
qu’on peut vivre au-delà de soi.
Étreindre cette idée
c’est déjà convoiter son but,
se complaire à la vivre.
 
              **
Les feux qui brûlent en soi-même
représentent sans doute
des modèles réduits d’étoiles,
desquelles nous sommes déjà
les poussières pensantes.
La pensée vit de sa chaleur
comme de sa couleur.
         [ Un petit tour de l’Homme – 07.2002 ]

Merci de votre fidélité, amis lecteurs, et bonne semaine. Étienne.

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21 septembre 2007 5 21 /09 /septembre /2007 14:25

Nouvelle brève – Coiqu’art 1 – Il envoya son poème à la revue, par simple courriel, comme à l’accoutumée. À chaque fois qu’il remettait son texte, il était accepté sans contestation. Il choisit par hasard un poème qu’il avait déjà utilisé pour l’opération « lettera amorosa ». « Coiqu’art » publia comme d’habitude les vers qu’il avait composés avec le plus grand soin. Le déroulement était toujours le même : relance de la revue, choix, envoi, publication. C’était simple comme un carré et métronomiquement réglé. À la réception, Siel lisait et classait les poèmes méthodiquement, puis les proposait au comité de lecture. Le jour où elle fut intriguée par les deux mots italiens qui chapeautaient le poème et son titre, elle pensa toute la nuit à sa fille Marie, partie par amour vivre en Italie, où elle se maria et procréa. Siel manifesta bien un peu sa désapprobation auprès de sa fille, car la savoir si loin faisait naître en elle une angoisse irrépressible. Son inquiétude resta lettre morte, l’amour ne se commande pas. Lettre et amour étaient bien les mots italiens qui retinrent son attention lorsqu’elle prit connaissance du poème venu de France. Le matin, elle prit la décision d’entrer en contact avec l’auteur ; c’était un 28 janvier, gris et morne, comme tous les 28 janvier de l’hémisphère Nord. Elle lui exprima toute sa joie d’avoir croqué de ses yeux ces deux mots qui brûlaient comme une lanterne dans le silence de sa solitude, mais aussi toute sa tristesse de savoir Marie aux mains d’un amour si lointain. Il y avait une sorte de résignation, dans la confession de Siel. (à suivre)

                III
Parfois, la pensée se dilate
sous l’effet perspicace
des familles de sensations ;
quand elle perd sa nourriture,
vivre et durer ne lui sied plus,
elle se déconstruit.
 
               **
Il faut se tenir droit,
tromper la vigilance
de ceux qui nous épient
et qui portent partout
une interprétation malsaine
de nos mouvements ordinaires.
 
              **
Il avalait une tartine
gorgée de gelée de groseille ;
du sang tapissa son menton.
Il fallut qu’il s’en expliquât.
L’apparence tue sans complexe
notre réalité, dit-il.

            [ Un petit tour de l’Homme – 07.2002 ]

Quel beau temps, aujourd'hui ! Tant mieux. Bonne fin de semaine, amis lecteurs. Étienne.

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