Quand nous construisons un poème - car il faut bien dire que c'est une variété de construction - il arrive que nous devions changer des termes, des fragments de vers au cours des travaux, pour créer un meilleur équilibre, pour que les fondations aient une meilleure assise, pour que le ciment prenne mieux. Ainsi, certaines pages de mes carnets ressemblent plutôt à un champ de ruines vu par avion qu'à un poème ; pourtant la construction tient bien ! Mais il faut bien en passer par la consolidation pour donner au poème tout son élan, toute sa force de suggestion. Et quand nous aimons les mots, il est nécessaire que nous nous nourrissions des mots justes, ou que nous pensons tels, dans la bulle de la création poétique. Parfois, la page du carnet a la netteté d'une calligraphie (en moins bien, tout de même ! ) car il se trouve que le poème a descendu tout seul, comme de l'eau pure, du cerveau par la gouttière du bras et de la main. Aucune correction ne semble possible, sinon pour alourdir la composition.
Aujourd'hui, je tombe sur un poème de la même série qu'à l'accoutumée, mais qui fut écrit en octobre 2001, peu après l'effondrement des tours new yorkaises.
JOURNAL D'ESPOIR
Il fait le constat qu'un journal
ne publie pas de mots d'amour.
C'est le règne, là, des récits
de catastrophes et de meurtres ;
l'on y broie du noir comme l'encre
avec un alphabet de sang.
C'est pourquoi il envoie
aux rédacteurs des mots aimables
qui ne prêtent pas à méprise
car il faudra bien quelque jour
diffuser partout l'espérance
pour éviter peut-être
l'effondrement des tours.
[ États d'aimer ]
Bonne fin de semaine. À bientôt, amis lecteurs. Étienne.