5 – « LA MANDRAGORE » - Ils se retrouvèrent attablés tous les quatre autour d’un café – jus de fruit pour la petite ! – et de viennoiseries ; car les trois bouts de femmes avaient accepté avec joie l’invitation de Lucien. Après tout, on n’avait pas si souvent l’occasion de sortir de l’ordinaire, dans ce monde formaté et monotone ! On parla de peinture, de poésie, des affaires quotidiennes et de banalités aussi, pendant que Clélia, remuante ce matin-là, faisait le tour des tables, posant ici et là quelques questions incongrues aux clients qui demeuraient souriants et compréhensifs devant tant d’innocence. Au bout d’un moment Lucien devint songeur et silencieux et il commençait à intriguer ses nouvelles connaissances quand il lança : « Que diriez-vous d’un pique-nique, dimanche prochain ? Je connais un endroit merveilleux et un peu étrange où j’aimerais vous emmener ». Viviane, souvent enfermée dans son atelier, fut sur ce coup-là plus vive que son amie et répondit : « Oh ! oui, ce serait très agréable, et je pourrais en profiter pour faire quelques esquisses. C’est une excellente idée, Lucien ! ». Marie ne put qu’acquiescer, mais dans le fond, elle n’était pas du tout mécontente de la tournure que prenait cette naissante amitié. Rendez-vous fut donc pris pour le dimanche, et l’on se partagea les tâches pour confectionner un menu acceptable et équilibré. On s’embrassa pour la première fois, et l’on se quitta contents. (À suivre)
BÉGUÈTEMENT
Des mots inhabités
veulent exprimer tout et rien
dans la bouche des fats.
Ils ont beau faire effort
pour conserver leur envergure,
s'ils ne sont pas assez nourris
ils demeurent vides, sans voix.
C'est pourquoi tant et tant de chèvres
traversent l'écran par les mots
sans jamais atteindre leur but,
sans même pacifier les lampes.
[ États de conscience 2 ]
Bonne lecture, amis, et beau dimanche. Étienne.
