10 – ENVOLS ! – Que le temps sembla long à Marie et Viviane, qui se sentaient terriblement seules et impuissantes. Elles ne dormirent pas de la nuit, naturellement ; elles n’échangèrent presque aucun propos, laissant leurs yeux grands ouverts afin de capter la moindre étincelle qui viendrait à jaillir. « On ne sait jamais, disaient-elles, il y a bien encore une lumière de vérité quelque part, dans ce monde ! » L’aurore vint, puis le jour fut plus avenant ; elles se levèrent, firent quelques pandiculations, s’approchèrent de l’étang, se passèrent de l’eau fraîche sur le visage, et reprirent le chemin du rocher contre lequel elles avaient passé une nuit de frayeur. Elles n’eurent pas besoin de faire un discours ; on eût cru que le cerveau de l’une pensait exactement la même chose que le cerveau de l’autre : elles se mirent de concert à gravir le rocher. Malgré sa hauteur modeste, l’exercice leur fut difficile, car elles n’étaient pas aguerries à ce genre de travaux pratiques ! Elles touchèrent au sommet et, comme pour Lucien, sentirent un souffle plus présent qu’au pied du rocher. Elles firent deux pas, et hop ! furent aspirées par une invisible machinerie de courants d’air frais qui leur donna la sensation de voler. Un silence pesant tomba sur « leur » petit cirque où ne subsistaient que les nattes du pique-nique et les reliefs de leur déjeuner. (À suivre)
PLAN DE DÉROUTE
Voici que notre plan capote
et que des vagues nous soustraient
aux rochers du discernement.
Nous avons des idées malsaines
à faire éclater les cervelles.
Or, même vidé, cet organe
se remplit de la suffisance
de son propriétaire.
Plus de Pessoa, plus « Personne »
pour nidifier sur le bon sens.
Nous creusons de multiples trous,
des absorbeurs conscients
de nos déjà pâles clartés.
[ États de conscience 2 ]
Ce poème est le dernier de la série. Bonne journée, amis. Étienne.