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  • : le blog aquapomu
  • : Mon but est de donner à lire des poèmes personnels, ou d'autres auteurs parfois ; des nouvelles, des notes sur le vocabulaire, la poésie, etc. Il s'agit d'un blog littéraire, en réalité.
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18 mars 2008 2 18 /03 /mars /2008 16:21
Fernando Pessoa – Quelques citations de l’un de mes auteurs favoris ne feront de mal à personne. Au contraire, les pensées de Pessoa s’avèrent être très souvent de bon conseil pour des lecteurs, qu’ils soient ou non écrivains. Voici donc des fragments de : « Le Livre de l’intranquillité ».
 
« Sans syntaxe, pas d’émotion durable. L’immortalité est une fonction de grammairien. » (fragment 228)
« Lire, c’est rêver en se laissant conduire par la main. Lire mal et d’un coup d’œil nous libère de la main qui nous conduisait. La superficialité dans l’érudition, voilà la meilleure façon de bien lire et d’être profond. » (fragment 229)
« L’art est une esquive de l’action, ou de la vie. L’art est l’expression intellectuelle de l’émotion, distincte de la vie qui est elle-même l’expression volitive de l’émotion. Tout ce qu’il nous est impossible d’avoir, d’oser ou d’obtenir, nous pouvons le posséder en rêve, et c’est avec ce rêve que nous faisons de l’art. Parfois l’émotion est si forte que, même réduite à l’action, cette action ne peut la satisfaire ; du surplus de cette émotion, privé d’expression dans la vie réelle, naît alors l’œuvre d’art. Il y a ainsi deux sortes d’artistes : celui qui exprime ce qu’il ne possède pas, et celui qui exprime le surplus de ce qu’il a possédé. » (fragment 230)
 
À première lecture, l’idée du fragment 230 semble compliquée, mais quand on assimile bien la première phrase, la compréhension de la suite se fait assez aisément, que l’on soit en accord ou non avec l’idée d’esquive que représenterait l’art.
 
Voici maintenant le poème que je vous propose.
 
 
 
 
 
L’AMOUR ET LA HAINE
 
Tu refuses le quotidien,
trop cru, trop contrariant,
trop contraire à ce que tu aimes.
Or, c’est ce qui se fait de mieux,
ce moment sans passé,
sans aucun avenir.
Il t’asphyxie, dis-tu,
comme nous qui t’enveloppons
de notre amour démesuré.
Que faire ? Les puissants
veulent cela qui nous écrase.
Nous le faisons pour eux,
nous écrasant les uns les autres
dans l’amour de la haine
et de ses placebos.
 
[ Une force de loi – 01.2003 ]
 
 
Voilà, chers amis lecteurs. Lisez, pensez, et faites-vous votre propre idée du monde et des hommes. À bientôt. Étienne.
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13 mars 2008 4 13 /03 /mars /2008 15:59
Notes – Chaque être humain qui a une vie normale d’homme possède en lui plusieurs vérités : la vérité de sa propre opinion, celle de ses connaissances, celle de sa mémoire, celle de son caractère, celle de sa carrière professionnelle, etc., etc. On pourrait presque allonger indéfiniment la liste. En ce qui me concerne, la phrase, et par analogie le vers, sont mes vérités, non pas uniques comme le pensent certains écrivains, notamment Fernando Pessoa, mais essentielles. Sans ces vérités de l’écriture, de la pensée, de l’élévation du cœur et de l’âme, mon chemin serait sans objet, sans détermination et sans dessein. Il se peut que j’utilise mal ma vérité du verbe et du vers, mais elle a au moins le mérite d’exister et d’inciter à la bonne inclination de la pensée. Une vérité qui serait faussée par quelque usage insensé ou par un projet destructeur n’en serait plus une, dans la logique de ses fondements et de sa structure.
 
On sait que l’univers se créa à partir d’un point infime qui, à cause du « principe entropique fort » que décrivent les astrophysiciens, se manifesta dans le vide qui l’entourait et continua son expansion depuis la première seconde de son évolution. Nous en sommes aujourd’hui à un univers si gigantesque qu’on n’en perçoit même pas les extrémités – ou à peine – malgré les instruments astronomiques complexes et performants dont nous disposons. Et si la vérité se cachait dans cet infini qui nous environne et battait les cartes régulièrement afin que nous ne fussions jamais en mesure de découvrir l’unique vérité ? 
 
Voici maintenant les poèmes que je vous propose.
 
 
CONTINUITÉ
 
Le soleil donne un peu.
Sur les vitres souillées de poudres,
des personnages immobiles
dirigent le rayonnement.
Trois pommes dans un compotier
devisent sur les courbes,
sur les ellipses, les orbites,
sur les planètes qu’elles font.
On n’entend pas leurs conclusions.
Puis, le temps venu de la nuit,
la scène disparaît.
Ailleurs, d’autres conversations
ont lieu sur les mêmes sujets.
Ainsi de suite…
[ Une force de loi – 01.2003 ]
 
 
PERTE D’IDENTITÉ
 
Il inscrit son nom, puis l’oublie
sur le coin d’une table.
La serveuse à demi vannée
n’en remarque pas les syllabes
calligraphiées soigneusement.
La nappe en papier devient cendre,
alors, le client perd sa trace
d’un coup du sort, d’un coup de flamme,
et perd un fragment de son cœur,
ne retrouve plus son chemin
et son enthousiasme le quitte.
[ Une force de loi – 01.2003 ]
 
Bonne lecture, amis fidèles. Étienne
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11 mars 2008 2 11 /03 /mars /2008 16:18
Nouvelle brève – Histoire – Stéphane et Matthieu n’en revenaient pas ! Ce vendredi-là, au lieu d’organiser une de leurs disputes favorites, ils eurent en écoute une femme de tête qui ne démordit pas de sa fausse opinion bien arrêtée. Une petite épicerie jouxtait le café où les deux compères se retrouvaient souvent, les deux pièces communiquant entre elles sans barrière aucune. On était à la campagne et la disposition des lieux était comme ça depuis des lustres. Maud, une femme qu’ils connaissaient bien, entra et, tout en commandant ses denrées, conversa avec l’épicière ; elle ne décolérait pas contre les programmes de l’enseignement. Elle gardait ses petits-enfants, les conduisait chaque jour à l’école et allait les rechercher. Le soir, la séance des devoirs ne lui seyait guère. « Vous rendez-vous compte, expliquait-elle bruyamment à l’épicière, on apprend à mes gamins des dates d’Histoire, on leur raconte les guerres, des 39-45 à n’en plus finir, des Romains, des Napoléon, je ne sais quoi ! C’est complètement débile, ils n’y comprennent rien, ne retiennent rien. On devrait supprimer l’Histoire, ça ne sert à rien, on n’a pas besoin de ça pour être maçon, ou garagiste ou n’importe quoi. On les abrutit avec ces calembredaines. Ils sont cinglés, dans les ministères ! Ils ne peuvent pas leur foutre la paix, à nos gamins ? » Elle n’y allait pas de main morte, Maud ; elle débita ainsi ses acerbes critiques pendant de longues minutes. Alors, Stéphane, le poète, amusé par cette diatribe en règle, s’avança lentement et crut bon d’intervenir : « Pardonnez-moi de vous interpeller, Madame, mais il me semble injuste que vous prononciez de telles paroles. Un pays qui n’aurait pas d’Histoire n’aurait pas de base solide, pas de légitimité ni de prestige ; ses habitants ne seraient… personne… ce serait comme un pays mal construit, pas terminé… » « Qu’est-ce que vous en savez, Monsieur-je-sais-tout ? À quoi ça vous sert de savoir quinze-cent-quinze, quatorze-dix-huit et tout le tra la la ? Mes gosses ne comprennent rien à tout ces trucs inutiles ! », lança Maud, cerise de confusion. « Écoutez-moi une minute, Madame », reprit Stéphane. « Admettons que vos petits-enfants n’apprennent plus l’Histoire de France. Très bien ! À vingt, par exemple, ils partent en vacances et débarquent dans une région de France. Ils font une virée et ont l’œil attiré par une ruine : « Qu’est-ce que c’est que cette bicoque ? », se disent-ils. Ils s’approchent, voient un attroupement, descendent de voiture et prennent part à la visite guidée, leur curiosité étant aiguisée par tout ce mystère. Une jolie guide commente pour les visiteurs : « Vous avez-là la ruine d’un château du Moyen âge… » « Pardon, Mademoiselle, qu’est-ce que c’est que le Moyen âge ? », questionnent vos jeunes. La guide leur explique gentiment et reprend son commentaire : « Il fut construit sous Philippe-Auguste… » « Pardon, Mademoiselle, qui est Philippe-Auguste ? ». Nouvelle explication, nouvelle reprise : « La Grande Guerre et la guerre 39-45 l’ont beaucoup détérioré… » « Pardon, Mademoiselle, qu’est-ce que c’est que ces guerres ? », demandent à nouveau les jeunes gens. Et ainsi de suite. Vous voyez bien, Madame, qu’une connaissance minimale de l’Histoire est indispensable aux citoyens que sont vos jeunes gens. Sans elle, ils vivraient dans un pays inconnu, le leur, comme des étrangers, comme des ignares, et ils seraient confrontés quotidiennement à une ignorance néfaste qui les relèguerait dans une lointaine banlieue de l’humanité, à laquelle ils seraient mal intégrés. Un peuple sans Histoire n’existe pas ! ». Maud ne comprit rien non plus à cette intervention, grommela comme une malade, paya ses commissions et sortit sans saluer personne. Mais elle était sûre d’avoir raison ! Non mais ! (fin)
 
Cette histoire vraie arriva tout récemment à Stéphane, qui fut abasourdi par les arguments douteux de Maud.
 
Bonne lecture, amis fidèles. Étienne. 
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6 mars 2008 4 06 /03 /mars /2008 15:49
Nouvelle brève – Passion – La noirceur du ciel tumultueux déteignait sur le comportement des hommes. Matthieu et Stéphane, deux amis de longue date, s’étaient rencontrés de bonne heure, ce matin-là et buvaient un café au bistrot du coin, comme l’on dit. Cependant, bien que très ancienne, leur amitié se heurtait assez fréquemment à une sorte d’étrange incompréhension mutuelle : ils ne partageaient pas la même passion, et ils pensaient à juste titre que cela justifiait leur opposition « fraternelle ». Comment en effet, concilier deux activités aussi différentes que la pêche et la poésie ? Les samedis et les dimanches, Matthieu se levait aux aurores pour assouvir sa passion ; Stéphane le savait bien, depuis le temps ! Et il décida ce jour-là de venir titiller le poisson dérangeant de leur différence. « Je ne comprendrai jamais que tu partes si tôt pour dormir toute la journée sur une berge ! », lança Stéphane, après avoir salué son ami et les habitués du bistrot. « T’est bien là aussi ! », répondit-il. « Oui, mais c’est pour te saluer. – Ma passion, c’est la pêche. Je ne vois pas pourquoi je n’irais pas, parce que Monsieur, ça le dégoûte ! – Tu ne peux donc pas laisser ces pauvres bêtes tranquilles ? – Je les relâche, alors… – Oui, mais elles souffrent quand même, avec tes hameçons. – Qu’est-ce que ça peut te faire, sale poète ! » Voilà ! le mot était lâché : sale poète. Matthieu ne souffrait pas que son ami s’adonnât à une passion qu’il jugeait d’une inutilité absolue, alors que lui savourait de grands moments de plénitude au bord des rivières, des lacs ou des étangs. Les vers, lui, les employait pour appâter le poisson, pas pour mettre bout à bout des mots qui ne riment à rien. Ce matin-là, ils se quittèrent fâchés une énième fois. Des nuages noirs fendaient le ciel à toute vitesse ; les oiseaux piaillaient leur inquiétude tonitruante et les passions continuaient leur chemin à travers la rocaille des incompréhensions.
 
 
L’IMPRÉVU
 
Quelqu’un nous compte.
Que fait-il au-dessus de nous ?
Il s’applique à nous bien compter.
Nous changeons si souvent de place !
Les arrivées et les départs,
les augmentations incessantes,
les volcans et les meurtres
l’irritent beaucoup trop.
Il tente d’occuper son monde,
de le guider dans ses démarches,
dans ses pensées et ses actions
pour contourner les guerres.
Quoi ? Elle a déjà éclaté !
 
[ Une force de loi – 01.2003 ]
 
 
Voici une petite pensée qui me vint il y a quelques jours et qui méditait sur le coin du bureau :
- Ce qui est bien, quand nous nous éteignons comme une bougie d’enchères arrivée à son terme, c’est que nous sommes tous logés à la même enseigne. Aucun passe-droit n’est accordé à celui-ci ou à celui-là. Chacun y va de son extinction !
 
Bonne lecture, amis fidèles. Étienne.
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3 mars 2008 1 03 /03 /mars /2008 17:42
Notes -  Notre quotidien picard nous parle aujourd’hui, en dernière page, des « imposteurs de la littérature ». Il paraît qu’ils sont assez nombreux, d’Émile Ajar (Romain Gary) à Misha Defonseca, l’histoire de celle-ci meublant la page littéraire des journaux, à la suite de son aveu d’imposture concernant sa prétendue épopée à travers l’Europe, alors qu’elle était petite fille ; qu’elle aurait été « aidée » par des loups, etc. (je ne connais que des bribes du scénario, entendues ou lues dans les médias). Vous avez tous entendu parler de cette histoire, naturellement. Et bien, je n’y ai jamais cru ! Il faut être bien naïf pour croire à une pareille histoire, à ce conte de fée. Je suis persuadé que l’éditeur n’y croyait pas non plus, que pas une seule seconde il ne fut trompé par cette romancière occasionnelle, mais que, étant avant tout un homme d’affaires, la trame de la « véritable histoire » l’incita à publier ce qui allait lui rapporter gros, au risque de passer pour un éditeur malhonnête. Il ne s’était pas trompé sur les gains à réaliser, mais il fut démasqué, si l’on peut dire, par son propre auteur. C’est-là tout le sel de l’histoire. « On ne peut vraiment plus faire confiance à personne ! », doit-il se dire aujourd’hui.
 
 
LES ÉVÉNEMENTS
 
Si tout arrivait par hasard !
Si les événements tombaient
quand ils sont mûrs, comme des pommes !
Il soupire et cherche une issue
aux tournoiements des galaxies
qui, peut-être, exercent leur art
en nous menant comme des chèvres.
On imagine mal
les plus Sages assis en cercle
sur de vieux gradins de porphyre,
délibérant sur notre sort.
Il visite son encéphale,
et n’y trouve que doutes.
[ Une force de loi – 01.2003 ]
 
Bonne semaine à vous, chers amis lecteurs. Prenez garde, on nous annonce une semaine fraîche, pluvieuse, venteuse, c’est-à-dire un temps qui puisse nous faire vraiment plaisir ! Étienne.
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28 février 2008 4 28 /02 /février /2008 16:49
Nouvelle brève – Sébastien n’en revenait pas : « Quoi ? Ses vêtements ont disparu ? ». Depuis toujours il avait trois passions qui le dévoraient : les copains, l’Olympique de Marseille et la pêche. Dès le vendredi soir, au retour du travail, il s’en allait boire le coup avec ses copains, ou il les recevait chez lui, une maison de village qu’il avait achetée et qu’il entretenait somme toute assez bien. Ensemble ils buvaient l’apéritif, des bières, des canons à n’en plus finir. Mais en semaine, Sébastien ne rechignait pas à la tâche, le travail, il connaissait, manquant rarement à l’appel. Les fêtes entre amis se passaient surtout pendant les fins de semaine, ou lors de soirées foot. Alors-là, le brouhaha était à son comble. En début d’année, Séb avait rencontré une belle jeune femme, élégante, courageuse, qui travaillait à Paris et devait se lever très tôt pour prendre chaque matin le train à St-Just. Ses trajets quotidiens la fatiguaient beaucoup. Quand elle rentrait, elle n’avait qu’une hâte : dîner et aller au lit. Elle attendait les fins de semaine avec impatience. Mais hélas ! Entre les soirées foot, les nuits copinesques et les départs pour la pêche aux aurores, il restait peu de temps pour les repos salvateurs et les joies tranquilles et sereines du foyer. Un soir, seule à la maison, Christine appela son ami Paul et lui confia son désarroi : « J’en ai marre, Séb est encore parti chez ses copains. Il est toujours absent ou il y en a plein la maison ! C’est invivable, Paul. Que dois-je faire ? » Paul, embarrassé, murmura des banalités, soupira et sombra dans un profond silence. Son amie pleurait, à l’autre bout du fil. Le lendemain, elle prit sa décision, rapide, irrévocable. C’était un jour de congé ; elle rassembla toutes ses affaires, les empila dans des sacs plastique, chargea sa voiture et partit. Elle laissa ce mot lapidaire : « Je t’aime, mais la vie avec toi est intenable, je vais tenter de t’oublier. Bises. Chris. » Elle quitta son emploi, et quelques semaines plus tard, elle s’envolait pour la Nouvelle-Calédonie où elle trouva un nouvel employeur, un nouvel amoureux et une vie plus calme. Sébastien regarda longtemps la penderie vide et relut mille fois les deux lignes laissées sur la coin de la table.
 
 
NARCISSE
 
« Mon Dieu, pense-t-il, la vie tremble,
tellement triste et solitaire
qu’elle se tue quand on la trompe ! »
Il pose tout de même
la tête sur l’épaule
de celle en qui il croit encore.
Le monde si dur entre en lui
mais comment l’en faire sortir
sans dommage pour son esprit,
car la logeant de longues heures
la folie l’accablerait vite.
Il se penche sur l’eau du fleuve,
y voit les vagues de la vie
qui font les rides de son front.
[ Une force de loi – 01.2003 ]
 
 
Bonne lecture, amis fidèles. Étienne
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25 février 2008 1 25 /02 /février /2008 17:50
Notes – Poètes et peintres – les artistes en général, d’ailleurs – ne sont pas cotés en bourse. Du coup, les acheteurs de leurs œuvres se font rares. On ne peut rien espérer, d’un tableau ou d’un recueil qui ne vaut presque rien ; il n’a aucun intérêt financier et il n’est pas appelé à prendre de la valeur. En revanche, on recherche les tableaux de Maîtres et les amateurs fortunés se pressent pour acquérir le « joyau » de leur collection. Ils sont peu nombreux, ces richissimes, à faire le choix de ce genre de placement, mais tout de même assez nombreux pour faire monter les enchères d’œuvres qui dormiront dans des coffres de banque ou dans un sous-sol secret d’un de leurs hôtels particuliers. Nos petites œuvres sans grand intérêt sans doute, vivent au grand jour, au moins ; c’est là leur mérite. On ne les place pas dans des coffres en compagnie d’un hygromètre, et parfois, elles sentent un peu le moisi, à force de traîner sur des étagères soumises aux brumes de cuisine, aux âcres fumées de havanes ou aux bruines des bombes de produits d’entretien.
La grisaille enveloppe déjà la maison et l’on n’y voit plus rien, la pluie ne devrait pas tarder à asperger les toitures.
 
 
VOYAGE DE NOCES
 
Il se marie à la beauté
qui boit le vent comme une hase,
et qui se fonde ou se déforme
selon le souffle qui l’épaule
à l’aube quand des chênes bruissent.
Il sait qu’il s’accouple à son art
pour éviter de perdre haleine
dans les courants de déshonneur.
Ah ! la paix n’en mène pas large.
Aussi tient-il à voyager
de suite avec sa belle
pour ne pas nuire aux hallebardes
qui font la fête entre elles.
Ils prennent l’air sans hésiter.
[ Une force de loi – 01.2003 ]
 
Bonne semaine, amis lecteurs. Étienne.   
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21 février 2008 4 21 /02 /février /2008 16:37
Notes – Pour bon nombre d’écrivains et de poètes, nous rencontrons des difficultés, si nous voulons lire leurs œuvres complètes. Dans beaucoup de cas, ces éditions n’existent pas. Dans le cas inverse, le nombre de volumes est si important, et donc la valeur de la collection si élevée, que nous renonçons à nous la procurer. L’œuvre des poètes se trouve plus réduit, en général, que celui des romanciers ou autres philosophes, un poème étant par nature relativement court, et la nature de la poésie ne ressemblant en rien aux autres catégories de la littérature, sauf dans l’emploi du vocabulaire, qui est le même pour tout le monde, à de rares exceptions près, notamment dans le vocabulaire technique lié à une catégorie. Du coup, je n’ai lu les œuvres complètes (sauf correspondances), que des écrivains suivants : Baudelaire, Rimbaud, Pessoa et votre serviteur, ce qui paraît logique, pour ce qui me concerne ! L’œuvre des deux premiers est relativement restreint ; en revanche, Pessoa écrivit beaucoup, et il n’est même pas certain que l‘ensemble de ses textes soit publié, mais j’ai lu ce qui l’est, et ce « monument » m’a beaucoup impressionné. Il est tout à fait captivant d’entrer dans l’univers entier d’un écrivain, de tenter de cerner ses limites, d’analyser son style et de connaître ainsi les nuances de sa sensibilité.
 
 
Je vous propose maintenant ce poème :
 
DÉFENSE D’APPLAUDIR
 
On se retenait d’applaudir
au spectacle affligeant
qui voulait illustrer la paix
avec des explosions de joie.
Partout le monde, on s’abîmait,
on mourait de non-rire,
alors nos applaudissements
semblaient dépassés, déplacés.
Voyez-vous, nous dit un manchot
revenant de mission guerrière,
j’ai renoncé à mes passions ;
ne les pratiquant plus jamais,
j’ai trop perdu la main.
[ Une force de loi – 12.2002 ]
 
 
Soyez sages, amis lecteurs, et soignez bien la littérature ! Étienne.
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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 17:06

Le rêve est une réalité - Longtemps j'ai rêvé de bonne heure...  Nous nous prenons à l'espèce de jeu qui consiste à fabriquer le rêve dans l'espoir que notre avenir prenne les formes, l'espace et  les orientations rêvés. Pourtant, vagabonder ainsi - car rêver signifie étymologiquement « vagabonder » --  ne sert qu'à planter des jalons là où nous voudrions qu'ils soient, là où notre désir profond élève les amers. La pseudo faculté de rêver n'est pas l'apanage des poètes que la petite critique place définitivement  dans la catégorie des « doux rêveurs ». Chaque créature de ce monde rêve, c'est-à-dire qu'elle est en mesure de produire du rêve ; chaque être se construit un édifice mental - ou un paysage, ou un personnage, etc. - différent de celui qu'il occupe d'ordinaire. Dans l'esprit de celui qui le rêve, cet édifice, par exemple, obtient un certificat d'authenticité, une attestation de réalité. La vérité de la construction s'anime parmi les paysages et les formes réels et ordonnés que le regard perçoit dans la lunette avant de son horizon. Sa vérité atteint « ... Cette plus haute forme de la connaissance : le rêve, l'adoration du silence ». (1) Ce parcours mental permet en effet aux marcheurs « intérieurs » de porter leur méditation à un haut degré de connaissance.

Autrefois je pensais que les plans du rêve donnaient accès à un monde parallèle dans lequel il ferait bon vivre et organiser la destitution de l'ici médiocre. Je me suis vite rendu compte que le trajet à accomplir pour parvenir à l'ailleurs ne conduisait qu'aux illusions et que le rêve, en somme, n'intervenait dans la grisaille ambiante que pour donner à celle-ci un caractère et un relief qui la recouvraient sans jamais l'anéantir. A ce moment là, je sus que le prétendu rêve naissant n'était qu'une sorte

d'ampoule du réel, un surgeon de la réalité, et que ses racines couraient dans le même limon que toute chose en ce monde qui donne sens à la vie.  « Un être humain ne pourrait pas vivre dans un monde sans mémoire et sans rêve. Prisonnier du présent, il ne pourrait pas donner sens. ». (2)  Le rêve n'est donc limité qu'à cela. Réel et rêve s'imbriquent l'un dans l'autre, et le poète ne rêve pas davantage que le paléontologue ou que le dermatologue. Le rêve « donne sens ».

Le véritable rêve serait, sans doute, celui qui permettrait d'avoir accès, au moins un temps, à un monde parallèle, non relié au nôtre, un monde dans lequel une sorte de voyage cosmique totalement indépendant de la réalité serait possible, avec l'accord tacite du corps inerte, demeurant feuille morte le temps du voyage. L'Homme ne rêve que le vrai, et le vrai ne fabrique  que son rêve à l'échelle humaine que le temps et l'espace lui donnent. Notre rêve terre à terre a les mêmes particularités génétiques que le réel et « ... le réel [est] une des virtualités du rêve ». (3)                                              

                                                                                       

1- Christian BOBIN - Le huitième jour de la semaine.

2- Boris CYRULNIK - Parler d'amour au bord du gouffre.

3- Jorge Luis BORGES - L'auteur et autres textes.

 

Bonne semaine, fidèles amis lecteurs. Étienne.

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16 février 2008 6 16 /02 /février /2008 17:04
Notes – Pessoa – (Encore ! ) – « Ne pas être, tout en pensant, c’est posséder un trône. Ne pas vouloir, tout en désirant, c’est recevoir la couronne. Nous possédons tout ce à quoi nous renonçons, parce que nous le conservons intact, en le rêvant éternellement à la lumière du soleil qui n’existe pas, ou de la lune qui ne peut exister. » (Le Livre de l’Intranquillité, fragment n° 164). Fernando Pessoa veut dire par-là qu’il est inutile de vouloir être ce que nous ne sommes pas et de vouloir ce que nous ne posséderons jamais ; renoncer à cela semble être pour lui la meilleure solution. Penser et désirer seulement, dans l’exercice du rêve, suffit à garder intacts les objets et les fonctions qui subiraient les outrages du temps si nous en étions les dépositaires. Ainsi je conserve en mon imagination, exempt de toutes flétrissures, tout ce qu’il me plaît de rêver, hors l’essence lumineuse du soleil et de la lune.
 
Voici un petit poème pour vous.
 
MARCHE À NE PAS SUIVRE
Restait une marche à franchir.
Là, heureux de l’élévation
dont il comptait tirer profit,
il prit un élan de sportif.
Trop sûr de lui, il retomba
au pied de cet obstacle,
pourtant haut seulement
comme un étui à cure-dents.
Lui qui rêvait déjà
d’avoir la stature d’un dieu
ne se remit pas de l’échec.
Et, renonçant à se parfaire,
il finit dans l’obscurité
puis devint anonyme
malaxeur de pâte à poèmes.
[ Une force de loi – 12.2002 ]
 
Bonne fin de semaine, amis lecteurs. Étienne.
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