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  • : le blog aquapomu
  • : Mon but est de donner à lire des poèmes personnels, ou d'autres auteurs parfois ; des nouvelles, des notes sur le vocabulaire, la poésie, etc. Il s'agit d'un blog littéraire, en réalité.
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18 septembre 2007 2 18 /09 /septembre /2007 14:40

NOTES – La semaine passée, il m’a été impossible de bloguer, une amie poète québécoise qui passait par-ici manifestant le désir de s’arrêter quelques jours dans notre campagne. Ainsi ai-je bénéficié de quelques jours de repos et d’un changement radical d’emploi du temps, grâce à cette présence. Il est nécessaire de préserver un peu l’enthousiasme qui nous anime afin que le travail ne le flétrisse pas. J’ai donc changé de « métier » un moment, devenant ami à temps plein. Nous avons parlé d’art et de poésie, mon amie et moi, à notre modeste place, et sommes arrivés à la conclusion qu’il n’est pas utile d’en discuter indéfiniment, car nous ne nous accorderons jamais, les uns et les autres, sur une définition universelle de l’art, sur les arguments qui fondent son utilité ou sur ceux qui attestent de son inutilité. La poésie, par exemple, semble d’abord embrasser le néant, mais en vérité, elle travaille pour l’élévation de l’esprit. Est-ce suffisant pour faire d’elle une valeur incontestable et incontestée de l’universalité ? Sûrement pas ! Surtout qu’en ce début de siècle, nous constatons plus précisément « l’élévation » des profits plutôt que le nombre des lecteurs de poésie. Je ne pense pas que la situation s’inverse de sitôt ! 

               II
Aucune souffrance éclairée
ne nous sauvera de l’échec
ni de la menace des ombres ;
la douleur ne vieillit jamais,
elle a toujours les dents très saines,
son succès ne se dément pas.
 
              **
Le soleil n’est que l’interdit
de lui-même, quand il fait nuit ;
il ne fait plus d’hommes, ni d’arbres,
ne dresse plus de cheminées
et ne brandit plus de couteaux ;
il n’élève plus de villages
ni ne propose d’art.
 
              **
Quand les lampes s’éteignent,
l’œil sacrifie l’appel des formes,
le néant se les approprie.
Le serpent ne serpente plus,
la cigogne perd son emploi,
la lumière est aveugle.

               [ Un petit tour de l’homme – 07.2002 ]


Me revoilà ! J'espère que je vous ai manqué et que vous êtes heureux de me retrouver, amis lecteurs. Étienne.

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10 septembre 2007 1 10 /09 /septembre /2007 16:31

NOTES – La nouvelle que j’écrivais depuis plusieurs semaines a trouvé son épilogue vendredi dernier. Je la rédigeais au gré de mon inspiration, oui, mais aussi en fonction des jours que j’ai choisis pour « bloguer ». Écrire une nouvelle n’est pas de tout repos ; c’est cependant un travail agréable à exécuter, si l’on évite le piège des intrications dans l’intrigue. Il faut veiller à ne pas perdre ses personnages dans des lieux où ils ne doivent pas aller. Les romanciers comme H. de Balzac ont vraiment du mérite et un génie sans faille, pour ne pas se fourvoyer dans leurs histoires. À mon niveau, j’ai bien du mal à venir à bout de dix-sept pauvres épisodes ; il est donc inconcevable que je puisse écrire des dizaines de romans avec des personnages qui passent d’un ouvrage à l’autre en faisant leur vie comme des hommes du monde. L’on entend souvent dire : ce roman est plein de poésie. Peut-être que des expressions poétiques y sont inventées, mais la poésie ne côtoie le roman que dans la mesure où les deux genres appartiennent à la littérature. Tout est permis, dans le roman ; ce n’est pas le cas en poésie. Le poète doit éviter la complaisance dans l’expression des sentiments, et l’objectivité qui amène froideur, sécheresse et inhumanité. Bref ! Quel que soit le genre propre à un écrivain, « Le début d’écrire est toujours un mystère », disait Louis Aragon.

                    I
Que devient donc le temps qui fuit ?
Les fleurs fanées vous le diront.
L’on sait qu’il nous angoisse,
qu’il simule déjà
la masse étirée d’un tombeau.
 
Le temps n’a pas de centre,
ni d’extrémités révélées,
ni même de circonférence.
À chaque point de sa mesure
un sentiment d’échec
nous traverse l’esprit.
 
On croirait que des objets tombent,
que l’on aime ces mouvements
qui nous font nettement
nous souvenir
de la fragilité humaine.

             [ Un petit tour de l’Homme – 07.2002 ]

Bonne lecture, amis fidèles. Étienne.

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7 septembre 2007 5 07 /09 /septembre /2007 14:39

NOUVELLE – L’ŒUVRE 17 – Mme Lenoir ne dormit pas de la nuit. Dès l’aube, elle alla frapper à la porte de Cécile et lui exprima sa vive inquiétude, à propos d’Odet. « Il était anormal, quand il nous a remerciées et saluées. Sa voix était sans timbre et triste, tu ne trouves pas ? – Non, répondit Cécile, il ne m’a pas paru spécialement différent des autres jours. De toutes manières, que peut-on faire ? Quand quelqu’un n’a plus besoin de son personnel, il le licencie ! » Cécile riait, en disant cela. Mme Lenoir insista tellement que Cécile accepta, par acquis de conscience, d’aller faire un tour du côté de l’atelier. Arrivées sur les lieux, elles constatèrent que la porte était ouverte. « Décidément ! », murmura Cécile. Elles frappèrent, on ne répondit pas. Stupeur ! Odet, blême, gisait sur le sol, quand elles entrèrent. Après avoir tenté vainement de lui parler, elles prévinrent les secours, vite arrivés sur place, et le peintre fut emmené à l’hôpital. Cécile et Mme Lenoir s’approchèrent du chevalet, toile cette fois bien en évidence tournée vers l’entrée. Le grand tableau peint en blanc y trônait solennellement ; sur un écriteau on lisait : « CARRÉ BLANC SUR FOND BLANC, VOILÀ L’ŒUVRE ! (KASIMIR MALEVITCH AVAIT RAISON) ». Les deux femmes ne comprirent rien à l’affaire et demeurèrent interdites, pantoises. Comme elles n’étaient pas de la famille – on ne lui en connaissait pas, d’ailleurs – elles furent priées de sortir. Le lendemain, un journal récupéré par Cécile dans son bistrot favori annonçait en cinquième page, dans un articulet sans saveur : « Le peintre Odet Trimand de Lhuy est mort hier dans son atelier où on l’a retrouvé gisant au pied de son ultime œuvre, un carré blanc… » Avait-il été victime d’une crise cardiaque ? S’était-il suicidé ? Aucun musée ne voulut prendre en charge ses œuvres sans grand intérêt. FIN.

DÉBUT DE LA COMPRÉHENSION
 
Il plie le couteau de sa lutte,
de son questionnement ;
regarde encore un peu
les gouffres du cosmos,
et se surprend à lire
sur les feuillets de son esprit
le plan de sa sérénité.
« Enfin apaisé ! », se dit-il.
Il sait qu’il vient de loin,
qu’il est un survivant
d’une longue lignée
qui fructifie normalement.
Durer dans la beauté souffrante,
il voudrait enseigner cela.
             [ Touches et nuances – 07.2002 ]

Bonne fin de semaine, amis lecteurs. Étienne.

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5 septembre 2007 3 05 /09 /septembre /2007 10:42

NOUVELLE – L’ŒUVRE 16 – Les femmes, consternées, allongèrent Odet dans un coin de l’atelier, sur une espèce de lit de camp où il se reposait parfois ; il fut comme en cellule de dégrisement. Elles nettoyèrent et rangèrent ce qui pouvait l’être. Après un bref conciliabule, elles décidèrent de rentrer chez elles, estimant qu’il n’y avait aucun danger. Le Maître dormait déjà à demi, susurrant des phrases incompréhensibles. Elles fermèrent l’atelier, prirent soin de laisser une clef bien en évidence, pour qu’à son réveil le « chef » l’aperçoive sans peine. « Il est vraiment étrange, ce peintre, dit Cécile, il nous abreuve à longueur de temps de son ŒUVRE, et il la mutile quand elle est presque terminée. Et voilà que maintenant il se prend pour le néant ; il n’a même pas pensé à nous quand il a détruit sa satanée toile ! » «  On voit bien que c’est son esprit, qui est malheureux, ajouta Mme Lenoir, d’un ton indulgent. Son corps agit plutôt joyeusement, mais son âme pleure. Il faut lui pardonner ! » Elles se quittèrent ensuite rapidement. Le lendemain matin, Odet accueillit son monde comme à l’accoutumée. L’atelier était propre, mais « L’œuvre » avait disparu. On ne lui posa aucune question. Une toile vierge était installée sur le chevalet, dans un coin d’atelier, de manière à ce que personne ne pût voir le travail accompli, ni en entrant, ni en sortant. Et Odet se remit à travailler comme un forcené ; les filles reprirent la pose, Mme Lenoir son aide. On ne parla guère, pendant les quelques jours que durèrent les « travaux ». Odet dissimula avec soin ses intentions. Un soir, il remit à chacune son salaire, leur assura que « L’œuvre » était terminée, et qu’il n’avait plus besoin d’elles. Elles furent très intriguées, mais devant le ton péremptoire du peintre, elles ne purent que s’incliner : tout était en ordre, elles avaient accompli leur travail du mieux possible, il n’y avait rien à ajouter. Elles saluèrent Odet et s’en furent, sans voir le tableau. (à suivre)


BÉRÉNICE IV
 
Ô Bérénice !
Nous ne comprenons rien
à l’expansion des nébuleuses,
quand nous les approchons
pour y naître amoureusement ;
ni à leur extinction parfois
quand de la main nous les touchons.
Il ne faut pas gêner les astres,
ni les frôler ni les étreindre.
Ils sont destinés au silence
et à la solitude,
dans des espaces oubliés
où la vérité qu’ils surveillent
ne connaîtra jamais l’hiver.
             [ Touches et nuances – 07.2002 ]
 
 

Bonne lecture, amis. Étienne.

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3 septembre 2007 1 03 /09 /septembre /2007 09:41

NOUVELLE – L’ŒUVRE 15 - La porte était à demi ouverte. Les femmes entrèrent prudemment ; un grand désordre régnait dans l’atelier et le tableau gisait recto contre terre. Les tubes de couleur s’égaillaient sur le sol. Odet était absent. Quand Cécile remit le tableau dans le bon sens, elles virent avec horreur et désappointement qu’on l’avait maculé, seuls les visages demeuraient à peu près intacts. Que s’était-il passé ? « Et si on a agressé le Maître ! », dit Aline. « On verrait des traces de bagarres, ou de sang, car Monsieur Trimand est jeune encore et ne semble pas être du genre à se laisser marcher sur les pieds. Et puis pourquoi on l’aurait attaqué, il n’y a que des trucs d’artistes, là-dedans, ce n’est pas un lieu pour les voleurs ! », répondit Cécile. Mme Lenoir, contrairement à son habitude, se taisait et semblait terrifiée par le spectacle qui, bien que lamentable, n’était tout de même pas le résultat d’un cataclysme. Soudain, on entendit vociférer devant l’atelier. Les trois femmes se précipitèrent dehors. Odet, titubant, se tenait aux murs ou à tout ce qu’il pouvait saisir en zigzaguant d’un côté à l’autre du large trottoir. Il hoquetait en hurlant littéralement : « Ce n’est pas de la peinture que je fais… c’est de la photo… c’est nul… moche… ça ne vaut rien. Si j’étais un grand peintre ça se saurait… qu’est-ce que je fous dans cette étable… j’arrête tout… ça ne sert à rien de s’entêter… suis une tête de cochon, un bon à rien… » Et il jurait comme un charretier. Les femmes ne moufetaient pas, elles voyaient bien que la colère et l’alcool ruinaient la raison d’Odet, lequel finit par glisser sur ses tubes et s’étaler de tout le poids de son ivresse sur « L’œuvre », qui ne demandait pas à mourir de pareille façon. (à suivre)        

BÉRÉNICE III
 
Bérénice, ta signature
nous est si mystérieuse
que son apparition soudaine
nous fait nous prosterner.
 
Ton hâle posé sur nos têtes
sans doute pour nous couronner,
nous nous endormions, nuit chantant
sous la plainte des vents
qui secouaient les canopées.
Tu étais l’interrogation
qui nous servait de nourriture.
 
Aujourd’hui, le questionnement
demeure un flambeau obsédant.

                [ Touches et nuances – 07.2002 ]


Temps pluvieux, ciel très gris, donc. Nous en prenons l'habitude ! Amis lecteurs, bonne semaine. Étienne.

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31 août 2007 5 31 /08 /août /2007 11:23
NOUVELLE – L’ŒUVRE 14 – On entendait les pattes des araignées crisser sur leur toile, et les outils du Maître en faire autant sur la leur. Chaque jour, Odet était comme en extase, tellement sa concentration maximale lui ôtait toute idée de vie en dehors du cercle étroit de son atelier, et même de son chevalet. Une fois franchi le seuil de cette vaste usine à couleurs, les femmes s’ingéniaient à « fabriquer » le silence le plus pur qu’elles étaient en mesure d’offrir au patron. Il faut avouer qu’Odet, vivant seul depuis des lustres, avait des manières de vieux garçon ; il supportait difficilement qu’on lui imposât quelque règle que ce soit, c’est lui qui dictait la conduite de ces dames et faisait régner une dictature de parade pour réaliser L’œuvre. Le silence faisait donc partie de ses travers. Les échanges verbaux se résumaient presque aux bonjours et aux au revoirs. Du coup, le tableau avançait rapidement et nos filles, qui observaient le résultat chaque soir en quittant les lieux étaient un peu étonnées et déroutées que leur image ressemblât tant à une photo, et non pas à des reproductions qu’elles voyaient dans les magazines, ou à des tableaux qu’elles visaient dans les vitrines des galeries. Mais elles étaient naturelles. Odet transpirait comme une soupe grasse et soupirait d’insatisfaction. Plus les jours passaient, plus la tristesse peignait son visage. Pourtant, son travail semblait parfait aux dames, lesquelles, il est vrai, n’y connaissaient pas grand chose en peinture. Y a-t-il de vrais connaisseurs, d’ailleurs ? Que savent-ils des vérités des peintres, les pseudo-spécialistes ? Bref ! à en juger par le stade d’avancement des travaux, le tableau devait toucher à sa fin. Les filles lorgnaient leur « photographie ». Sans doute était-ce cela, la peinture ! Un matin, au bout de deux semaines d’un travail acharné, quand les femmes arrivèrent à l’atelier, une surprise de taille les attendait. (à suivre)  

BÉRÉNICE II
 
Bérénice, nous te voyions
fuir tes sœurs et voler vers nous,
bien en deçà de l’horizon.
Tu voulus nous rejoindre
quand tu pris conscience de nous ;
tu tentas de nous éclairer.
Mais le cosmos est incroyable,
fabriqué de telle manière
que son mouvement très rapide
ne nous apparut pas de suite.
Nous fûmes en danger,
comme depuis toujours les hommes.
Où allions-nous ? Tu t’éloignas
de nous, malgré les apparences.
                    [ Touches et nuances – 07.2002 ]

 

Passez une bonne fin de semaine, amis lecteurs. Étienne.

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29 août 2007 3 29 /08 /août /2007 14:49

NOUVELLE – L’ŒUVRE 13 – Odet classait ses notes et ses croquis et ajustait son chevalet, tout en expliquant à ces dames ce qu’il attendait d’elles : « Vous, Mme Lenoir, vous me préparerez les couleurs, les pinceaux ou les brosses que je vous demanderai ; c’est simple, les numéros sont inscrits, vous les connaîtrez vite ; quant aux noms des couleurs, ils sont sur les tubes. Vous, Cécile et Aline, vous pouvez vous préparer ; ôtez vos vêtements du dessus, ensuite, je vous draperai dans les tissus que j’ai préparés, ils sont sur la table. Je me refuse à plagier les Grecs ou les Romains, mais je m’en inspire. Vous prendrez les poses que je vous indiquerai, sans en changer pendant le temps de mon travail, c’est important. » Il parlait péremptoirement et gesticulait comme un muet. Quelle effervescence dans l’atelier ! L’impatience d’Odet était extrême. Très vite, tout le monde fut en place. Le Maître exigea le plus grand silence afin que sa concentration ne fût pas troublée. Odet ajouta : « Mes tiroirs étaient contents ; ils jubilaient et grinçaient de plaisir quand on les tirait, tellement ils avaient d’esquisses, d’ébauches, de notes diverses. Aujourd’hui, ils ont le ventre plus creux, car enfin je vais réaliser l’œuvre de ma vie ! J’ai sélectionné mes travaux préparatoires et j’ai brûlé tout ce qui m’était inutile, naturellement. Maintenant, je vais pouvoir exécuter L’œuvre. L’art est science de la beauté, vous êtes belles, donc le tableau sera du grand art ! » Odet lança ce syllogisme avec une vigueur et un orgueil indéniables. Il demanda ses outils à Mme Lenoir et commença à noircir sa toile, si l’on peut dire. (à suivre)



BÉRÉNICE I
 
Bérénice, ta chevelure
qui s’envole comme un insecte
est tavelée sur ses élytres
de pointes lumineuses.
Tu t’agites dans tes spirales,
dans tes accroche-cœur
sans te soucier le moins du monde,
que disons-nous :
le moins de l’univers
du vol de diamants que d’aucuns
commettent sans frémir
dans les cervelles trop fragiles,
qui délestées de tous leurs biens,
ne distillent plus dans cet alambic
que des fruits aux pulpes mortelles.
                [ Touches et nuances – juillet 2002 ]


Belle journée, aujourd'hui ; le soleil danse. Bonne lecture, amis. Étienne.
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27 août 2007 1 27 /08 /août /2007 09:22
NOUVELLE – L’ŒUVRE 12 – Quand Mme Lenoir et Cécile partirent, l’église du quartier marquait huit heures. Le ciel avait un petit air de fête, avec ses petits haricots de nuages blancs qui couraient sur une palette bleu pâle. Plein de gens anonymes circulaient en tous sens et marchaient comme des somnambules. Cécile eut l’impression que ces personnages sans âme partaient à la recherche du temps qui passe. Elle murmura à sa compagne : « C’est bête, tout de même, qu’on ne se soit pas parlé, avec Aline. À quoi ça sert de s’engueuler, dans le fond ? La vie est si brève ! On devrait être maîtres de nos émotions, mais c’est dur, quand on se sent blessé. » « Tu as raison, mais ça se remettra, tu verras, tout à l’heure, tu n’y penseras plus. Le travail, même le plus moche, même le plus inattendu fait oublier bien des choses. » Odet avait entrebâillé la porte de l’atelier ; quand elles y arrivèrent, elles reconnurent Aline au bout de la rue, et Cécile ne put s’empêcher de lui adresser un signe de la main, auquel Aline, blême, répondit par le même geste. Elles se serrèrent la main. « On ne va pas se faire la guerre pour si peu », dit Cécile. « Entrez ! cria Odet, la porte est ouverte ». Elles le trouvèrent affairé autour des feuilles à dessin, des tubes, des brosses, des pinceaux, des chiffons. Il travaillait sans doute depuis un bon moment déjà. Il avait disposé l’estrade dans un coin de l’atelier où donnait une lumière point trop vive, et trois ou quatre mètres devant, en oblique, un chevalet avec une grande toile prête à l’emploi. Il avait préparé du café, et posé un paquet de gâteaux secs sur un plateau. Visiblement, il était content de voir son petit monde. Il salua les femmes et leur servit une tasse de café. « Bon ! après, nous allons nous y mettre, Mesdames, dit-il, souriant ». (à suivre)   

 

 

MEURTRES IMPUNIS
 
Il note le matin des roses,
leur fraîcheur insouciante
puis leur fin dérisoire.
Pleurer ne sert à rien,
car c’est de la paresse,
pense-t-il, au constat qu’il fait.
Les meurtres calculés
que la nature impose
sont inscrits dans la Voie lactée.
Le sien viendra comme un dessert,
à la fin de sa procession.
Déjà la lampe folle
a le sourire dense
des visages qui vont s’éteindre.

              [ Touches et nuances – 06.2002 ]


Le soleil brille enfin depuis trois jours ! Durant les quatre derniers mois, nous n'avons eu que pluie, vent et fraîcheur. Bonne semaine, amis lecteurs. Étienne.

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24 août 2007 5 24 /08 /août /2007 09:14

NOUVELLE – L’ŒUVRE 11 – Les deux amies partirent d’un côté, Aline de l’autre, sans se regarder, sans se dire un mot. En cours de route, Mme Lenoir fit l’observation suivante : « De toutes façons, Cécile, ne t’inquiète pas, nous ne risquons rien, il n’a pas l’air méchant homme, et l’on voit bien qu’il a le cerveau en ébullition, ce peintre-là, pour autre chose que des aventures sans lendemain ; et puis, si c’était pour vous tendre un piège, il m’aurait expédiée tout de suite, moi ! » Cécile ne répondit pas, elle était songeuse, mal à l’aise, triste. Elle pensait aussi à Aline. « Tiens, on n’est pas riches, mais on va se payer un coup de brasserie ! », lança joyeusement Mme Lenoir, apercevant l’enseigne qui en signalait une. Il était presque midi, avec tout ça, et les émotions, ça creuse. Ah ! se remplir un peu l’estomac et boire un coup, ça redore le blason des joues, et ça fait rire les lèvres. Après le repas, Cécile reprit de l’allant. Gaies comme une pluie de soleil, elles rentrèrent chez Cécile, et jouèrent au scrabble une bonne partie de l’après-midi avant de grignoter quelques gaufrettes en sirotant un café. Aline, quant à elle, courut presque tout le long de son chemin, pour tenter de semer la honte qu’elle sentait accrochée à ses basques. « Mais qu’est-ce qui m’a pris ? », se demandait-elle. Elle resta prostrée dans sa chambre jusqu’au soir. Odet griffonna quelques croquis qu’il jeta aussitôt, et décida d’attendre le lendemain pour travailler vraiment à son sublime projet. Il n’était plus à un jour près. Peu à peu, l’ordre revenait dans ces têtes en effervescence, et la géométrie des cadrans calcula bien le demi cercle de la nuit. (à suivre)

DES PASSANTS
 
Nous passons. L’instant reste
à l’envers, à l’endroit
quelque part en suspens,
nous ne le savons pas.
Ceux qui se retournent, peut-être,
voient-ils leurs heures qui demeurent
la tête dans les lys
ou l’esprit vague près des cimes.
Que signifie passer ?
Notre planète fonce, avec son astre,
à une allure vertigineuse
vers un point indéterminé
d’un cosmos qu’elle méconnaît.
Son sillage prit ses leçons
dans le rayonnement fossile.
La Terre passe, avec ses peuples,
ignorant ce que c’est que passer.
               [ Touches et nuances – juin 2002 ] 


 Bonne fin de semaine, amis lecteurs. Étienne.
 
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22 août 2007 3 22 /08 /août /2007 10:31
NOUVELLE – L’ŒUVRE 10 – En réalité, il n’y avait rien à comprendre, pas d’explications à demander aux filles. Ils devinaient tous ce qu’il s’était passé. Les filles étaient toutes les deux au chômage ; par le plus grand des hasards, Aline était venue frapper à la porte d’Odet Trimand de Lhuy dix ou vingt minutes avant que Cécile n’arrivât ; elle n’avait pas eu le temps – ni le courage, devant l’aubaine – d’expliquer l’objet de sa visite, devant l’empressement d’Odet à la faire entrer, et le quiproquo s’installa. Voilà tout, c’était de la simplicité d’un carré. C’est bien pourquoi Odet ne parla pas tout de suite, réfléchissant aux affaires du monde : le sien, son petit monde, si silencieux depuis un instant. Ses parents lui avaient laissé quelques biens, à leur mort, et il comptait s’en servir au mieux pour accomplir ce qu’il croyait être sa mission sur la Terre : la création artistique, l’achèvement de « L’œuvre », celle qui lui tenait tant à cœur et à laquelle il pensait depuis des lustres. Alors, solennellement, mais avec un brin de vanité, Odet s’exprima : « L’œuvre que je dois accomplir est de la plus haute importance. Elle requiert beaucoup de patience, de temps et de concentration. Aussi ai-je décidé de vous employer toutes les deux, Mesdemoiselles, plutôt que de vous congédier avant d’avoir utilisé vos services. Vous ne serez pas trop de deux.» Puis, s’adressant à Mme Lenoir : « Et vous, Madame, soyez là également demain matin à neuf heures ! » « Mais, s’exclama Mme Lenoir avec un rire nerveux, vous n’allez tout de même pas me faire poser ? » « Soyez sans crainte, j’ai un autre projet pour vous, moins contraignant, ajouta Odet. Vous m’avez suffisamment perturbé ce matin pour que j’éprouve le besoin de reprendre mes esprits. Allez, à demain. » Il ouvrit la porte et leur enjoignit de sortir. (à suivre)

IL FAUT REMPLIR LES CASES
 
On ne prend pas la place
que la mort pâle a laissé libre
au milieu de la vie ;
on a trop peur du vide,
peur de mourir aussi.
Pourtant on nous incite
à remplir les cases vacantes
dès notre naissance annoncée.
Moins forte est notre résistance !
Plus heureux est le temps craintif !
Quels jeux de bouche-trous
que ces animations terrestres
qui font occuper chaque faille !
               [ Touches et nuances – juin 2002 ]

  
Depuis hier soir, il pleut sans discontinuer. Charmant été. Bonne lecture, amis lecteurs. Étienne.
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