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  • : le blog aquapomu
  • : Mon but est de donner à lire des poèmes personnels, ou d'autres auteurs parfois ; des nouvelles, des notes sur le vocabulaire, la poésie, etc. Il s'agit d'un blog littéraire, en réalité.
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1 août 2007 3 01 /08 /août /2007 09:46

   NOUVELLE – L’ŒUVRE – 1 – Cécile de la Cochlée travaillait son oisiveté dans le petit salon de son appartement sans caractère. De temps en temps, elle se servait un café et croquait un biscuit, si bien qu’aux heures des repas, elle n’avait jamais faim ; son organisme disposait d’assez de calories pour tenir deux quarts sur le croiseur de sa solitude. Elle descendait parfois s’acheter un paquet de cigarettes, discutait cinq minutes avec la serveuse, et remontait se vautrer dans le canapé à demi effondré, en attendant l’heure… Laquelle ? Elle ne le savait pas. Annie, la serveuse, lui remettait souvent des journaux fatigués, des revues froissées, laissés là par des clients. Cécile n’avait guère d’amis ; quand on est au chômage, les fréquentations se font rares ; quand on n’a pas le sou, les relations se distendent, puis le dernier fil de la trame finit par céder et les contrats d’amitié se cassent. La seule « amie » qu’elle avait était la vieille dame de l’appartement voisin. Elles s’invitaient à tour de rôle à prendre le café ; ça faisait toujours un petit moment de passé ; on s’échangeait les vieux journaux ; on discutait de l’actualité, des réformes du gouvernement, de l’acteur qui venait de mourir. On parlait du travail, de la difficulté d’avoir un emploi . Ah ! ça oui, il n’était pas facile de dégotter un boulot stable. Cécile désespérait d’en trouver, sans métier, et seule Madame Lenoir, sa voisine, la remettait dans la voie de l’espérance. On avait beau tenir son nom de l’ancienne noblesse, rien à faire pour se placer. Le nom, au contraire, semblait déplaire aux employeurs potentiels et ils étaient sourds à tous les arguments de la candidate. (à suivre) 

LA COMPARAISON MORTELLE

Elle compare sa beauté 

à celle osée de la jonquille

et se dit qu'après tout, 

au constat des flétrissements,

la fleur dure moins qu'elle.

Alors, elle aspire à grands traits

le pollen de la vie

dans une joie stérile.

Et en un rien de temps

la mandoline de son sang

s'arrête de jouer ;

tandis que la jonquille

à chaque printemps que Dieu fait

renaît de son bulbe éminent.

Durer, voilà tout le mystère,

l'éternité de la beauté. 

             [ Touches et nuances - mai 2002 ]

   Beau temps dans ma région ; cela donne envie d'écrire un peu, non ? Bonne lecture, amis. Étienne.   

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30 juillet 2007 1 30 /07 /juillet /2007 08:15

   NOTES – « Quand je lis un ouvrage et que le texte me semble de bonne qualité, ma première réaction est la suivante : à quoi bon écrire moi-même, puisque de nombreux écrivains talentueux font beaucoup mieux que moi et qu’ils écrivent, mieux que je ne le fais, ce que j’aimerais proposer aux lecteurs ! » Voilà ce que je confessais à un ami, B. M., qui venait de m’envoyer le livre de nouvelles de John Cheever « Déjeuner de famille ». Mon métier, c’est l’écriture, c’est incontestable. Pourtant, l’exercer me met souvent mal à l’aise, me rendant bien compte que tout ce que je puis exprimer l’a déjà été, et que jamais plus nous autres, écrivains modestes et sans génie, ne serons aptes à produire des œuvres de qualité équivalente ou supérieure à celles qui virent le jour depuis des siècles. C’est, en substance, ce que j’ai ajouté. Voilà ce que m’a répondu B. M. : « Tu m'as déjà fait part de l'impression qui est la tienne de ton infériorité aux génies ou aux talents du passé, qui ont déjà tout dit, tout fait, et tellement mieux que nous. Certes. Il faut apprendre à leur contact quotidien, ne pas avoir peur de copier ; il faut les assimiler au sens quasi physiologique du terme. Mais ce faisant - c'est le sens d' "assimiler" - on les fait siens. Tout a certes été dit, mais, comme ajoutait Eugenio d'Ors, "à moitié", c'est-à-dire qu'il reste à chacun à développer, cultiver, transmettre, gloser, adapter, faire vivre en soi et autour de soi ce qui a été dit et fait. La civilisation, ce ne sont pas des chefs-d’œuvre dans un désert, c'est un terreau ou les chefs-d'œuvre peuvent croître, et ce terreau, c'est toi et moi qui le cultivons, à la mesure de nos forces ». Finalement, je crois bien que je vais continuer à écrire, aussi bien que je le peux, en tentant de développer encore celles qui peuvent l’être des pensées et des idées d’autrefois. 

LES CONSTRUCTEURS SONT TOUJOURS SEULS

On croirait, à l'écouter,

que son coeur trisse ardemment

tant les battements

y sont puissants et nombreux. 

Mais il n'est pas l'hirondelle

qui s'invite à l'aube.

Il est un vrai solitaire

qui ne quitte plus son port,

déserté de tous. 

C'est là qu'il construit un monde

à sa mesure, à son bleu,

la tristesse à ses côtés.

S'il connaît l'échec,

on l'accable et on le blâme.

Le tour de sa Terre

se fait dans l'immobilité. 

Les comètes vivent seules. 

              [ Touches et nuances - mai 2002 ]

   Voici donc une nouvelle fois ma contribution apportée à la littérature. Bonne lecture, amis. Étienne.   

 

 

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27 juillet 2007 5 27 /07 /juillet /2007 09:30

   ÉCHANGE – Les échanges de politesses et les échanges de coups ne sont pas les seules occasions de transmissions croisées. Nous pouvons très bien organiser des échanges culturels et artistiques. Nous faisons aussi beaucoup d’échanges de gaz carbonique contre de l’oxygène, ce qui est moins drôle mais très utile pour donner l’aubade. Un jour que deux amants échangeaient des baisers à l’angle d’une rue, deux autres préparaient leur échange de lettres. Le jeune homme encrait difficilement son feuillet devant un café-crème ; il levait constamment la tête et observait les passants qui s’agitaient en tous sens ; il avait l’espoir de trouver ainsi une inspiration salvatrice. La jeune fille, de l’autre côté du pays, faisait de même, chez elle cette fois, sans aucune difficulté, tant son ardente passion lui donnait des doigts de feu et de l’encre brûlante. Ils auraient aimé échanger leur lettre en plein ciel, mais devant une impossibilité technique, ils utilisaient la correspondance. Parfois, c’est au téléphone qu’ils échangeaient des banalités. Le montant des factures les faisait renoncer plus d’une fois à employer ce mode de transport de mots. Qu’il se passe entre les nations, entre les régions, entre les localités ou entre deux maisons voisines, l’échange procède toujours de la même nature : « Tu me donnes tes connaissances, je t’offre les miennes ; je te donne mon poème, ma lettre, tu m’offres les tiens ». Etc.  

 

Le déverbal échange est attesté (1080 escange) au sens d’ « opération par laquelle on échange (des biens, des personnes considérées comme des biens) ». Échanger est dérivé (1160-1174 eschangier) de changer.   

TOUS LES LIENS SE DISTENDENT

Ton coeur flou contient à nouveau

l'amour déçu qui se réduit

depuis la nuit des sens.

Bientôt, il ne restera rien

de l'oisellerie luxuriante

qui manifestait sa gaieté.

On ne peut que douter

de la résistance des liens

qui soudent les rencontres.

Les ruptures actives

ont des raisons suspectes

de mettre fin à l'éclairage.

             [ Touches et nuances - mai 2002 ]

   La semaine va bientôt prendre fin. Comme les jours défilent rapidement ! Je vous souhaite une agréable fin de semaine, amis lecteurs. Étienne.

  

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25 juillet 2007 3 25 /07 /juillet /2007 09:22

   NOTES – Lors de mes lectures, il m’arrive souvent de prendre des notes, sans les dater. Quand elles passent à nouveau entre mes doigts, je m’interroge quelquefois sur leur ancienneté, sur la nécessité de les utiliser. Dans une revue, « Aujourd’hui Poème » n° 80, j’avais relevé la phrase suivante : « La littérature est en péril » ; elle a été écrite par Tzvetan Todorov, un auteur bulgare, je crois. Il affirmait ensuite que l’ « on n’enseigne plus la littérature, ou si mal » ; qu’il existe un « affadissement démocratique de la parole et du signe » (ce sont les termes les plus frappants que j’avais notés). Quand je feuilletais les manuels scolaires de mes neveux et nièces, il y a quelques années, je m’étais étonné de la pauvreté littéraire des textes et de l’enseignement incorrect de la langue. Les manuels proposaient comme auteurs des journalistes sportifs, des chroniqueurs de journaux ou de radios, etc., mais point de Voltaire ni de Chateaubriand, point de Maupassant ni de Colette. La poésie était également absente du circuit. J’étais dépité. Il ne m’étonne pas, de ce fait que beaucoup de jeunes journalistes et présentateurs, dans les médias, bredouillent, ratent leurs « démonstrations » et que leurs propos soient d’une médiocrité absolue, sauf exception. Il ne m’étonne pas non plus que nos jeunes aient un langage très relâché, souvent à la limite de la vulgarité. Ce n’est pas une généralité, évidemment, mais quand même. En tout cas, ce laisser aller coïncide exactement avec la décadence et la déliquescence que l’on constate dans le monde entier. De toute évidence, nous sommes à la fin d’un grand cycle, et une nouvelle renaissance, dont on observe peut-être déjà les prémices, devra opérer un nettoyage indispensable, dans tous les domaines et toutes les disciplines, afin que le système reprenne vigueur et pureté. 

L'IMPRÉVISIBLE COMPAGNIE

Voilà qu'un lent air de piano

favorise en secret

de sereines apparitions.

Sur l'envolée des notes

un étrange visage

prend consistance et nom. 

Le messager qui vient des sources

donne sa version officielle

des faits qui te font face ; 

et tu comprends enfin

le fond de ta mission terrestre. 

Tu vois, l'invisible a du bon. 

              [ Touches et nuances - mai 02 ]

   Enfin, le soleil est de retour ! Il semble cependant timide. Bonne lecture, amis. Étienne. 

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23 juillet 2007 1 23 /07 /juillet /2007 11:17

   ÉCRIVAIN – En toute logique, quelqu’un qui écrit devrait être considéré comme un écrivain. De nos jours, les écrivains seraient donc extrêmement nombreux, si l’on prend en compte les auteurs de livres de toutes sortes, publiés à grand renfort de publicité sur les plateaux des chaînes de télévision et sur les ondes des stations de radio, par les chanteurs, les sportifs, les politiciens, les comédiens, les navigateurs, les voyageurs, etc. S’y ajoutent les particuliers qui ouvrent des blogues et y écrivent, les épistoliers et les secrétaires. Cela fait beaucoup de gens, ce qui enlève une place importante aux vrais écrivains – ceux qui ont vraiment quelque chose à exprimer – et qui souvent n’ont pas droit aux invitations des médias. Le véritable écrivain se fait discret, car il travaille, et quand il est au labeur, il lui est difficile de faire le pitre sur un plateau de télé, surtout quand il n’y est pas convié ! Alors l’écrivain certifié écrit, ne s’occupe pas des flatteurs ou des démolisseurs, trace son sillon, encre ses idées, fortifie son âme, essaie de publier et de vendre sa production. S’il y parvient, c’est un exploit, on peut le dire, car il doit franchir tellement de barrières que l’on considère sa réussite comme une performance. Je n’ai presque jamais rencontré de vrais écrivains, ils sont tous morts. Enfin ! j’exagère un peu ; il en reste quelques-uns mais ils se cachent dans la soupente du grand escalier de leur non-célébrité. Un petit nombre vit tout de même de sa plume.

 

L’écrivain est issu (v. 1120 escrivein) d’un latin populaire scribanem, du latin classique scriba « greffier, scribe », dérivé de scibere « écrire ». 

MÉFIE-TOI DE L'HOMME, MA TERRE

La Terre est ce qu'elle est,

pour elle ronde, et pour nous plate

jusqu'aux limites de la vue.

On la nourrit avec amour

de notre indifférence.

Si un jour chez elle on suffoque

et que les phoques aussi meurent, 

on ne pourra rien reprocher

à sa fragilité constante

ni aux efforts qu'elle se plaît à faire

pour se régénérer. 

Car depuis qu'elle est menacée

par nos crachats, nos immondices,

c'est cette nourriture infâme

qui lui gangrène la cervelle. 

                   [ Touches et nuances - mai 2002 ]

  La reprise est agréable. Vais-je vous retrouver au cours de cette longue période de vacances. Je le souhaite. Bonne semaine, amis. Étienne.  

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20 juillet 2007 5 20 /07 /juillet /2007 11:02

   NOTES – Une courte critique parue dans « Le Mensuel littéraire et poétique » n° 344, revue belge, a attiré mon attention, car elle concerne un petit livre d’Henri Meschonnic, « Vivre poème ». Le style de cet écrivain est tellement particulier qu’en lisant son nom je ne manque jamais de me pencher sur ce qu’on écrit à son sujet. On explique-là que Meschonnic « expose sa poétique, liée à sa pratique du poème et à son art de traduire la Bible et dont l’originalité réside dans l’opposition entre poésie et poème ». Déjà, cette phrase me semble obscure puisque l’écriture d’un poème et la traduction de la Bible sont deux exercices complètement différents. En revanche, poème et poésie sont de même nature alors qu’ici on les oppose. « La poésie relève de l’émotion vague qui provoque la communion avec les forces de la nature, avec pour effet le ‘fusionnel du sacré’ qui annihile la liberté du sujet, alors que par le poème, on travaille à ‘être libre, c’est-à-dire vivant’, car le poème est : ‘une forme de vie qui transforme le langage et une forme de langage qui transforme la vie’ », ajoute le critique Jacques Éladan, qui emprunte au poète quelques fragments de son livre. Sans doute un peu ignare, je ne comprends pas très bien où veut en venir Meschonnic. Celui-ci rétablirait « le lien brisé par les formalistes et les sémiologues entre le poème et la vie et entre le langage poétique et le discours ordinaire […] Le poème est un acte éthique et politique qui fait du poète la voix authentique du peuple comme le pensait Victor Hugo ». Tout cela me paraît trouble et, ayant déjà lu quelques ouvrages d’Henri Meschonnic, je ne crois pas que lire celui-ci me permettrait d’éclairer ma lanterne. Cela dit, il reste libre de son opinion obscure, naturellement !

S'ABONNIR, QUELLE  ILLUSION !

Allons ! Sortons et parlons-nous.

Nous savons bien, dans un coin de cervelle,

que jamais nous ne serons bons,

jamais ne deviendrons meilleurs.

Des ombres diaboliques

nous escortent pour nous trahir

dans notre éternité présente

et leurs voix melliflues

pour leurrer se diluent

dans les chants des oiseaux,

dans les flèches des migrateurs,

dans les fontaines fascinantes.

Nous ne serons jamais meilleurs,

nous n'en avons la volonté.

Nous abaissant, nous périrons.

                 [ Touches et nuances - mai 2002 ]

   Bonne fin de semaine, amis lecteurs. Étienne.

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18 juillet 2007 3 18 /07 /juillet /2007 14:43

   ANONYME – La pureté du poème d’un anonyme est indéniable. Quand on le lit, rien ne vient entacher d’un nom ou d’un portrait d’auteur les images de sa trame. Seule l’indication du siècle, souvent, donne une sorte de confinement au poème. Le style offre aussi un renseignement non négligeable quant à l’époque d’écriture. C’est tout. Il en est de même pour un tableau ou toute autre œuvre d’art signé « anonyme ». L’œuvre anonyme évolue tranquillement dans le temps et dans l’espace sans porter de nom ni nourrir de visage. Elle a de la chance ; elle peut entrer partout sans être reconnue, sans être interpellée, sans être raillée ou applaudie. Le phénomène se passe exactement de la même manière quand il s’agit d’une personne anonyme. Elle n’est jamais rongée par une quelconque notoriété ; elle n’est jamais priée d’assister à un dîner chez un ministre ; elle ne reçoit pas de célébrités chez elle. Bref ! elle ne représente rien de concret au sein de la communauté ; elle n’est rien, en quelque sorte ; ou alors elle est : « rien ». Anonyme, dit-on ! Aujourd’hui, il est extrêmement difficile, voire impossible, de rester anonyme. Le moindre quidam est tellement fiché au sein de multiples assurances, sociétés, banques, associations, commerces, administrations, etc., qu’il a un vrai poids de cartes à porter dans son portefeuille, et qu’il n’a plus rien d’un quidam. Et si, de surcroît, il commet un roman, un tableau ou un meurtre qui obtient un certain succès auprès du public, alors là, le moindre pas qu’il fait dans la ville la plus proche de chez lui peut lui valoir les assauts d’une meute de photographes ou de journalistes, sauf s’il est déjà emprisonné, dans le cas du meurtre ! Bien que l’anonyme regrette parfois son état, jamais il ne vivra assez longtemps pour savourer son bonheur. 

 

Anonyme, est un emprunt de la Renaissance (1540) au grec anonumos, par le bas latin anonymus formé de an, privatif et de onoma, « nom ». Anonyme signifie « dont on ignore le nom propre », et « qui cache son nom et son auteur ».

DE TOUT POUR TOUS

Ceci n'est pas méchant : 

il faut de tout pour faire immonde,

des tortures, des pièges,

du sang séché, des vomissures...

Bref ! tout un éventail

de pesanteurs extrêmes

auxquelles on peut ajouter

des camps, des trains, des uniformes, 

des nuits insoutenables...

Ah ! que la liste est longue,

interminable ; à tant s'y reporter

on oublie son commencement

quand, de la fin, on fait lecture. 

Voilà pourquoi chez l'homme

l'on reproduit les mêmes vilenies,

et les mêmes aberrations

depuis que l'animal est homme. 

                 [ Touches et nuances - mai 2002 ]

   Beau temps aujourd'hui, avec nuages, ni trop chaud ni trop frais. Bonne lecture, amis. Étienne.   

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16 juillet 2007 1 16 /07 /juillet /2007 10:33

   Nouvelle brève – Janka – Quand elle rencontra Rémy, Janka eut un coup de foudre. Il n’y a aucun doute là-dessus. Elle en oublia son mari et ses deux enfants pendant quelques jours, le temps qu’elle inhale les vapeurs de sa passion torride jusqu’à la dernière fumerolle. Elle regagna son pays, en Europe centrale, sans jamais oublier celui qu’elle avait soûlé d’amour au point que son ivresse mit quelques mois à se dissiper. Ensuite, les flammes s’échangèrent dans une correspondance assidue, et les facteurs durent être nombreux à se brûler les doigts au contact de lettres très volcaniques. Cependant le magma se refroidit petit à petit malgré la poursuite des échanges chaleureux, réguliers et fructueux. Au bout de quinze ans, environ, le comportement de Janka changea imperceptiblement, les propos prenant souvent une forte accentuation religieuse. Rémy apprit que Janka suivait assidûment des cours de théologie, et qu’elle prenait beaucoup de plaisir à faire du prosélytisme. De son côté, Rémy le profane lui parlait souvent d’art, de poésie ; il avait profondément ancrée en lui l’idée qu’un monde sans art ne peut pas vivre longtemps. Quelle mouche piqua Janka, vingt ans après leur rencontre ? On ne le saura jamais. Toujours est-il qu’elle affirma péremptoirement un jour d’octobre : « Celui qui n’a pas étudié la Bible ne peut rien comprendre de la vie ni de l’art ! ». Quel ne fut pas l’étonnement de Rémy ! C’est vrai qu’à une question qu’elle lui posait, il avoua qu’il avait très peu lu la Bible et que, pour diverses raisons, il n’était pas en mesure de réparer cet « oubli ». À la suite des assertions absurdes de Janka, Rémy tenta bien de sauver « le couple », sans doute maladroitement. Ce fut sans succès. Il sentit que la situation lui échappait. On eût dit que Janka, pour épurer le contentieux qu’elle avait envers l’athéisme abhorré, voulait se débarrasser de cette pseudo liaison qui avait duré trop longtemps à son goût. Ce qui devait arriver arriva : la rupture fut consommée et digérée en quelques jours. On n’entendit plus jamais parler de Janka. 

TU VIENS DE LOIN

Ceci n'est pas vulgaire :

il faut du temps pour faire un vieux !

Mais dans ses rides triomphales,

l'on voit tous les feuillets d'un livre,

l'encyclopédie de la vie

que même les ordinateurs

ne remplacent jamais.

Tu sais que tout est là,

qu'il te suffit de compulser

la mémoire attelée aux songes

pour exhumer l'histoire.

Ton enseignement se fait là

où séjournent des siècles.

Tu viens de loin mais tout est là.

               [ Touches et nuances - mai 2002 ]

   À quatre heures du matin éclata un violent orage qui aplatit quelque peu les plantations du jardin. La semaine commence en trombe ! Bonne lecture, amis. Étienne. 

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13 juillet 2007 5 13 /07 /juillet /2007 15:36

   POÉSIE – C’est une étoile à forte magnitude qui éclaire le chemin des êtres humains qui l’utilisent. Elle allume partout le monde des foyers de résistance qui crient « liberté et tolérance ! ». Elle est pugnace comme un soldat. Elle existe depuis des milliers d’années, sans jamais se départir de sa foi en l’homme, bien que parfois elle doute de l’aptitude de celui-ci à trouver la voie de la raison. On dit qu’elle n’est pas faite pour les chiens, lesquels posent cependant sur elle un regard bienveillant. Quand on entre en poésie, en général on n’en ressort plus. C’est ainsi. Elle imprègne tellement ses soupirants de son essence et de sa magie, qu’ils sont incapables de lui résister, de la désavouer, de la quitter ou de la tromper. Peu de maîtresses ont autant de pouvoir hypnotique qu’elle. Le poète, quant à lui, doute beaucoup de la capacité de la poésie à servir le monde actuel, mais il continue contre vents et marées à utiliser cet outil incomparable pour diffuser ses idées. Qu’elle soit rose, verte, rouge ou bleue, la poésie est le magnifique fer de lance qui répand une opinion comme aucun autre moyen. On la croit faible quand elle est forte ; on la croit finie quand elle joue au phénix. Pour plagier Edmond Rostand, on pourrait écrire : c’est un roc, c’est un pic, c’est une péninsule, c’est un pays, que dis-je c’est un empire !

  La poésie (1370) est empruntée au latin poesis « genre poétique », en particulier « œuvre poétique, poème », lui-même emprunté au grec poiêsis « création, fabrication », « action de composer des œuvres poétiques », « genre poétique », « poème », dérivé de poiein.  

 

CHOISIS TA LIBERTÉ

La liberté ne nourrit rien,

mais elle abreuve l’essentiel.

Tu le sais car tu la consommes

comme une eau claire et fraîche.

Une peur de la perdre

te fait redouter les chahuts,

les bruits suspects, les chutes.

Car une fois qu’on l’a perdue

on s’épuise à sa reconquête.

Souvent, tu abandonnes

les biens qui te paraissent

éternels et inaliénables.

Ne te trompe jamais de lot !

           [ Touches et nuances – avril 2002 ]

   Amis lecteurs, nous voici à nouveau en fin de semaine. Je n'ai pas eu le possibilité de faire plus pour ce blogue ces jours passés. Bonne lecture. Étienne.

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11 juillet 2007 3 11 /07 /juillet /2007 10:39

   Carnet - Littérature-monde – Il y a quelques semaines, voire quelques mois, quarante-quatre écrivains francophones publiaient un manifeste intitulé, me semble-t-il : « Pour une littérature-monde ». J’avais lu cela dans notre quotidien régional, et on en avait aussi parlé au cours des journaux télévisés. Finalement, nous n’avons jamais su vraiment ce qu’il en retournait. Ce que je sais, c’est qu’un nommé Jean Rouaud, écrivain de son état, avait assuré péremptoirement, à propos de la langue grâce à laquelle il exerce son métier, « … il est difficile d’écrire dans une langue morte ! ». Voilà qui est bien assené, c’est le moins que l’on puisse dire. Je constate avec effarement qu’un certain nombre de « membres de l’élite », de plus en plus nombreux me semble-t-il, dénigrent leur propre langue, celle dans laquelle ils s’expriment, et grâce à laquelle ils gagnent de quoi vivre, dans la plupart des cas. Mon incompréhension du phénomène est totale. Le manifeste était écrit contre la francophonie, nous disait-on. Bien sûr que la France et la francophonie n’ont pas l’exclusivité de leur langue ; bien sûr que le français peut être exporté dans le monde entier, et pas seulement au sein de la francophonie, c’est un honneur que de servir de monnaie d’échange. Que d’aucuns diffusent leurs idées, qu’ils émettent leur opinion, qu’ils fassent des propositions et que nous en discutions, voilà qui est nécessaire et bon pour tous les locuteurs. Mais pourquoi quelques « grands architectes de la langue », quelques « érudits sachant-tout » ont-ils le dessein de rabaisser constamment leur outil de travail ? Encore une fois, je ne comprends pas pourquoi ils eurent tout d’un coup le « désir nouveau de retrouver les voies du monde ». Y avait-il besoin d’un manifeste, abscons sans doute, pour entrer dans le monde ? Nous sommes dans le monde, pas besoin d’y entrer !

L'INCORRIGIBLE

Ton langage incompréhensible

s'accouple à tes lents mouvements.

Tu commentes sans cesse

les courants évidents

à ceux qui en connaissent

jusqu'à la source pure,

mais tu ne sais nommer la source

des dérives que tu proposes.

Tu disparais ensuite

afin de ne pas prendre part

au naufrage de ton navire.

Tu es incorrigible !

            [ Touches et nuances - avril 2002 ]

   Bonne lecture, amis. Étienne.

 

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