NOUVELLE – L’ŒUVRE – 1 – Cécile de la Cochlée travaillait son oisiveté dans le petit salon de son appartement sans caractère. De temps en temps, elle se servait un café et croquait un biscuit, si bien qu’aux heures des repas, elle n’avait jamais faim ; son organisme disposait d’assez de calories pour tenir deux quarts sur le croiseur de sa solitude. Elle descendait parfois s’acheter un paquet de cigarettes, discutait cinq minutes avec la serveuse, et remontait se vautrer dans le canapé à demi effondré, en attendant l’heure… Laquelle ? Elle ne le savait pas. Annie, la serveuse, lui remettait souvent des journaux fatigués, des revues froissées, laissés là par des clients. Cécile n’avait guère d’amis ; quand on est au chômage, les fréquentations se font rares ; quand on n’a pas le sou, les relations se distendent, puis le dernier fil de la trame finit par céder et les contrats d’amitié se cassent. La seule « amie » qu’elle avait était la vieille dame de l’appartement voisin. Elles s’invitaient à tour de rôle à prendre le café ; ça faisait toujours un petit moment de passé ; on s’échangeait les vieux journaux ; on discutait de l’actualité, des réformes du gouvernement, de l’acteur qui venait de mourir. On parlait du travail, de la difficulté d’avoir un emploi . Ah ! ça oui, il n’était pas facile de dégotter un boulot stable. Cécile désespérait d’en trouver, sans métier, et seule Madame Lenoir, sa voisine, la remettait dans la voie de l’espérance. On avait beau tenir son nom de l’ancienne noblesse, rien à faire pour se placer. Le nom, au contraire, semblait déplaire aux employeurs potentiels et ils étaient sourds à tous les arguments de la candidate. (à suivre)
LA COMPARAISON MORTELLE
Elle compare sa beauté
à celle osée de la jonquille
et se dit qu'après tout,
au constat des flétrissements,
la fleur dure moins qu'elle.
Alors, elle aspire à grands traits
le pollen de la vie
dans une joie stérile.
Et en un rien de temps
la mandoline de son sang
s'arrête de jouer ;
tandis que la jonquille
à chaque printemps que Dieu fait
renaît de son bulbe éminent.
Durer, voilà tout le mystère,
l'éternité de la beauté.
[ Touches et nuances - mai 2002 ]
Beau temps dans ma région ; cela donne envie d'écrire un peu, non ? Bonne lecture, amis. Étienne.